Promenade n°3 : montons sur l’Acropole !
Depuis le temps que je vous montre l’Acropole de loin, depuis le temps que nous tournons autour de la « haute ville », vous avez eu tout le loisir de rêver au moment où vous alliez enfin la découvrir…
Encore un peu de patience ! Quelques conseils et nous partons …
D’abord, quelle que soit la saison, vérifiez bien l’heure d’ouverture (elle peut varier) et allez-y le plus tôt possible : c’est le meilleur moyen d’éviter la foule.
Personnellement, je m’en souviens encore : j’avais 16 ans et j’avais été confiée aux bons soins de mon frère aîné pour une semaine à Athènes. Le lendemain de notre arrivée, nous nous sommes levés aux aurores, nous avons gravi les rues désertes de Plaka et nous nous sommes présentés à l’entrée du site juste au moment où il ouvrait, à 7 heures du matin cette année-là.
Eh bien ! je garde toujours au fond de ma mémoire la vision éblouie de notre entrée par les Propylées, à peine éclairés par le soleil levant de l’été. Pendant au moins une heure, nous avons été entièrement seuls sur le site, à une époque où on pouvait encore pénétrer à l’intérieur des monuments. Et être seul sur l’Acropole, croyez-moi, c’est une expérience inoubliable…
Bref, c’est le jour ou jamais de vous lever tôt !
Deuxième conseil : faut-il ou non réserver son billet en ligne ? Pour ma part, je ne l’ai jamais fait. J’ai toujours pensé que la meilleure solution était d’utiliser le ticket qui permet d’accéder à sept sites (dont l’Acropole) pendant cinq jours, en l’achetant dans un endroit beaucoup moins fréquenté, l’agora romaine par exemple. Ce billet groupé coûtait 30 euros la dernière fois que je l’ai utilisé (en 2018), mais évidemment le prix peut varier.
Un dernier conseil enfin : n’utilisez pas surtout l’entrée principale !
Et maintenant, montons vers l’Acropole, en regardant le soleil se lever sur Athènes…
Vous connaissez le trajet, je pense : Mitropoleos, Grande Métropole, Venizelou, à gauche sur Adrianou, vous continuez sur Vironos et vous arrivez à l’angle de Makrigianni et de Dionysiou Areopagitou. Là, je vous l’ai dit, se trouve l’entrée sud de l’Acropole. Même si vous n’avez pas acheté auparavant de billet groupé, il y a toujours beaucoup moins de monde qu’à l’entrée principale… surtout au petit matin !
Cette fois, vous y êtes : vous avez pénétré sur le site et vous marchez sur les pentes sud de la colline.
Commencez à monter : vous n’allez pas tarder à arriver au théâtre de Dionysos.
Pour avoir la plus belle vue, grimpez en haut des gradins.
Le bâtiment que vous avez sous les yeux n’est toutefois pas celui où furent représentées, au Ve siècle avant J.-C., les tragédies d’Eschyle, Sophocle ou Euripide. Les gradins en pierre ne furent ajoutés qu’à la fin du IVe siècle et certaines parties sont même d’époque romaine.
Mais je suis sûre que vous avez assez d’imagination pour vous reporter en 458 avant J.-C., année où Eschyle remporta les Grandes Dionysies avec sa trilogie l’Orestie (Agamemnon, les Choéphores, les Euménides).
Vous êtes donc en 458, assis sur les pentes de l’Acropole (même les gradins en bois n’existaient pas encore) et vous regardez le chœur évoluer sur l’orchestra circulaire, autour de l’autel de Dionysos. Derrière l’orchestra, une baraque en bois, la skéné, sert à la fois de coulisses et de décor, avec quelques colonnades peintes sur ses murs. Quant aux acteurs, ils s’expriment à partir du logeion, une sorte d’estrade légèrement surélevée devant la skéné.
Et, autour de vous, il y a de l’ambiance ! Les spectateurs en effet apportaient à manger, à boire, applaudissaient, sifflaient, tapaient des pieds. Il paraît même que certains poètes engageaient une claque à leur solde…
Revenons maintenant au XXIe siècle pour regarder de plus près les sculptures que vous apercevez à l’ancien emplacement de la skéné.
À partir du IVe siècle avant J.-C., le mur de la skéné fut en effet amélioré : l’ensemble devint un véritable bâtiment en pierre, appelé le proskénion, et plusieurs fois remanié au cours des siècles. Ainsi, ce n’est qu’au IIIe siècle après J.-C. que ces sculptures, venant d’un lieu inconnu, furent placées à cet endroit. La photo que j’ai prise n’en montre qu’une partie, celle dans laquelle est représenté le vieux Silène, personnage de la suite de Dionysos.
Quittons à présent le théâtre, sans oublier de saluer un spectateur attardé.
En poursuivant notre chemin, nous arrivons au-dessus de l’Odéon d’Hérode Atticus, qu’un riche mécène athénien, le rhéteur Hérode Atticus, fit édifier au IIe siècle après J.-C. à la mémoire de son épouse.
Le lieu n’est maintenant ouvert que pour des spectacles, en été, pendant le Festival d’Athènes. L’entrée se fait alors par la rue Dionysiou Areopagitou. Je me rappelle y être allée, il y longtemps, pour écouter … Georges Moustaki !
Continuons à monter pour atteindre l’Acropole proprement dite. Les monuments que vous pouvez y voir aujourd’hui ont été construits dans la deuxième moitié du Ve siècle avant J.-C., à l’instigation de Périclès, pour remplacer les temples détruits par les Perses en 480. Plusieurs architectes y ont travaillé mais, selon la tradition, le maître d’œuvre était Phidias.
En arrivant par la pente sud, votre première vision sera celle du temple d’Athéna Niké (« Athéna victorieuse »).
C’est un petit temple de style ionique : vous pouvez remarquer la forme à volutes des chapiteaux et, en haut sur la photo, la frise continue qui, sur ces deux côtés, représentait des scènes de combat entre Athéniens et Béotiens, et entre Grecs et Perses, une innovation par rapport aux habituelles scènes mythologiques.
Un détail supplémentaire : à cause de la situation stratégique de ce temple, les Turcs, sous l’occupation ottomane, y avaient placé une batterie de canons…
Franchissons maintenant les Propylées, porte d’entrée monumentale permettant d’accéder au sommet de la colline.
Dans l’Antiquité, vous vous seriez retrouvés devant l’immense statue en bronze d’Athéna Promachos (« Athéna qui combat en avant »). Impossible de la manquer : elle mesurait plus de 10 mètres de haut et pouvait se voir depuis le cap Sounion, à une soixantaine de kilomètres…
Mais comme cette statue a aujourd’hui disparu, détruite à Constantinople en 1203, c’est bien sûr le Parthénon, juste en face de vous, qui attirera immédiatement vos regards.
Vous excuserez la mauvaise qualité de cette photo, scannée à partir d’un tirage papier datant de février 2005. Si je l’ai choisie, c’est pour deux raisons : d’abord parce que les échafaudages étaient cette année-là de l’autre côté du temple, mais surtout parce que, à mon avis, cette image correspond bien à la première vision que l’on peut avoir du Parthénon, côté ouest, avec le soleil levant dans les yeux…
Croyez-moi, vous allez rester un bon moment immobiles, fascinés, en vous disant : cette fois, j’y suis !
Prenez donc bien le temps le temps de vous imprégner de l’atmosphère, avant d’abandonner (provisoirement) le Parthénon pour vous diriger, à gauche, vers le temple qui était le plus important pour les Athéniens, l’Érechthéion.
Le plus important, pourquoi ?
Parce qu’il fut bâti sur l’emplacement exact où, selon la légende, aurait eu lieu le combat qui opposa Athéna et Poséidon pour la possession de l’Attique. Chacune des deux divinités devant offrir un cadeau aux habitants d’Athènes, Poséidon frappa la terre de son trident et fit surgir une source d’eau salée (ou un cheval, selon les versions). Mais les Athéniens préférèrent le présent d’Athéna, un olivier.
La déesse reçut donc l’épithète de Polias (« protectrice de la cité »).
La tradition rapporte aussi qu’à cet endroit, une statue en bois d’Athéna tomba directement du haut du ciel. Tous les ans, lors de la fête des Panathénées, une grande procession montait donc sur l’Acropole pour revêtir d’un nouveau peplos (vêtement) cette statue qui était la plus vénérée par les Athéniens (on les comprend !) et avait été placée dans une des salles de l’Érechthéion.
Eh bien ! Nous allons, nous aussi, suivre le chemin de la procession des Panathénées pour nous approcher de ce temple dont l’apparence est pour le moins inattendue.
Nous sommes du côté ouest et vous pouvez voir qu’en raison de la configuration du terrain toutes les salles ne sont pas au même niveau. L’originalité du plan est aussi due à l’union de trois cultes : Athéna, Poséidon et Érechthée, fondateur mythique des Panathénées.
À gauche de la photo, légèrement en contre-bas, se trouve le portique du nord, qui serait le lieu exact de l’affrontement entre Athéna et Poséidon. Quand on pouvait encore entrer dans le bâtiment, on y montrait un trou dans le dallage : l’empreinte du trident bien sûr !
À droite, juste à côté, les six colonnes marquent l’entrée du naos de Poséidon-Erechthée. Un naos est la salle où se trouvait la statue : en effet, pour les Grecs, un temple n’était pas le lieu où se déroulaient les cérémonies du culte mais la maison du dieu.
Quant à l’olivier qui pousse juste devant, je suppose que vous avez déjà compris : c’est l’olivier d’Athéna. Il suffit d’avoir un peu d’imagination…
Et enfin, tout à fait à droite, vous avez sans doute reconnu le portique le plus connu de l’Érechthéion, celui des Caryatides.
Le voici de plus près.
Il s’agit d’une sorte de dais funéraire protégeant le tombeau du roi Cécrops, fondateur mythique d’Athènes, sous le règne duquel aurait eu lieu la dispute entre Athéna et Poséidon. Six statues de jeunes filles vêtues de longues tuniques remplacent les colonnes. Bien sûr, in situ, ce ne sont que des copies : cinq des originaux sont au Musée de l’Acropole, et le sixième au British Museum.
Comme l’Érechthéion fut transformé en harem sous l’occupation turque, j’ai lu quelque part que les Caryatides servirent alors d’enseigne pour attirer les clients…
Contournons maintenant le bâtiment pour aller voir le portique de l’est, qui permettait d’accéder au naos d’Athéna Polias, où se trouvait l’antique statue en bois d’olivier, revêtue d’un nouveau peplos à chaque fête des Panathénées.
Comme l’ensemble de l’Érechthéion, il est de style ionique : regardez, par exemple, le chapiteau à volutes et l’apparence fine de la colonne, due au nombre élevé de ses cannelures (24).
Nous arrivons maintenant à l’extrémité de l’Acropole, à l’opposé des Propylées. Après un regard nostalgique en direction de l’ancien musée (je vous expliquerai plus tard…), nous voici de nouveau devant la façade du Parthénon, mais cette fois du côté est.
Les colonnes qui entourent le temple sont doriques. Comme vous le voyez, le chapiteau n’est pas sculpté et la colonne semble plus trapue (20 cannelures seulement).
Quant à la frise, au lieu d’être unie, elle est divisée en triglyphes (les trois traits verticaux) et en métopes (plaques où se trouvaient des sculptures).
Ces métopes représentaient différentes scènes de combat : par exemple, du côté où nous sommes, c’était un combat entre les Géants et les dieux.
Quant au fronton triangulaire, au-dessus, dont les parties restantes sont aujourd’hui au British Museum, il montrait la naissance d’Athéna.
Voici plus en détail le haut de l’élévation dorique du Parthénon.
En regardant cette image, on a peine à imaginer aujourd’hui que les temples grecs n’étaient pas blancs mais polychromes : les triglyphes étaient peints en bleu et des sculptures blanches se détachaient sur le fond rouge des métopes…
La façade devant laquelle nous sommes maintenant correspond en fait à l’entrée du Parthénon, puisque, dans la Grèce antique, les entrées de temples étaient toujours situées à l’est. Si on accède à l’Acropole du côté ouest, c’est uniquement à cause de la configuration du terrain.
À l’intérieur, d’est en ouest, quatre salles se succèdent : d’abord le pronaos (vestibule), puis le naos d’Athéna Parthénos (« Athéna Vierge »), où était placée une grande statue chryséléphantine d’Athéna, en or et en ivoire, exécutée par Phidias et mesurant 12 mètres de haut. Elle a aujourd’hui disparu, peut-être détruite à Constantinople, et il n’en reste que des copies.
Derrière le naos, se trouve le Parthénon proprement dit, la salle des Parthenôn (« vierges »), qui a ensuite donné son nom à l’ensemble de l’édifice : c’est là que de jeunes Athéniennes tissaient le peplos destiné à la statue de l’Érechthéion.
Et enfin, à l’ouest, se situe l’opisthodome qui contenait le trésor de la cité.
Je terminerai cette description en vous faisant remarquer le mélange des styles qui caractérise le Parthénon : colonnade dorique à l’extérieur, quatre colonnes ioniques dans la « salle des vierges » et enfin, tout autour de l’intérieur du bâtiment, une colonnade dorique surmontée d’une frise ionique continue, la célèbre frise des Panathénées, dont nous reparlerons plus longuement en visitant dans notre prochaine promenade le Musée de l’Acropole.
Un dernière précision : après l’Antiquité, le Parthénon deviendra l’église Notre-Dame d’Athènes, puis sera transformée en mosquée. En 1687, les Turcs placeront leurs munitions dans l’édifice qui, bombardé par les Vénitiens, sera partiellement détruit.
Mais revenons à notre époque et, avant de quitter l’Acropole, allons admirer la vue que l’on a de son sommet, en repérant par exemple quelques-uns des monuments que nous avons déjà visités ensemble.
La Grande Métropole.
La Tour des Vents.
Le théâtre de Dionysos.
Et maintenant, rebroussons chemin pour nous diriger tranquillement vers les Propylées (doriques…).
Je crois que les touristes commencent à arriver. Il est temps de partir, en allant quand même revoir encore une fois le petit temple d’Athéna Niké, qui domine la ville du haut de son promontoire.
À suivre pour une quatrième promenade....