Kayak au Groenland Est: une drôle d'expédition

Jour 17: Dernier jour dans le Petersen


 Après avoir hésité à passer du coté est de l’île pour admirer le glacier Bruckner, nous décidons de contourner l’île par l'ouest pour éviter le petit passage étroit entre deux glaciers qui inquiète pas mal mon mari. Cela rallonge pas mal mais après tout, à ma grande surprise, mon coude va bien. Je craignais des conséquences pour avoir forcé dessus lors de la course poursuite avec le voilier la veille mais non, tout va bien. Je pense qu'il commence vraiment à cicatriser, c'est une vraie bonne nouvelle.
 Quel bonheur de pouvoir pagayer normalement au milieu d'un tel environnement!





 Nous nous rapprochons du fond du fjord. Il serait possible d'atteindre l'Inlandsis en passant par la gauche d'après la carte. C'est d'ailleurs le point d'accès qu'a choisi une expédition danoise dont nous avons rencontré les membres à Tasiilaq lors de notre deuxième passage dans la ville. Ce groupe de danois, qui vivent à Nuuk, s’apprêtait à monter sur l'Inlandsis pour le traverser en pulka jusqu'à Ilulissat au nord ouest.  D'après ce que j'ai pu lire ici ou là, il s'agit du meilleur sens pour traverser l'Inlandsis afin d'éviter les vents dominants. Ils étaient en train de finaliser les derniers achats de nourriture avant de partir quand nous avons discuté. Ils sont certainement déjà bien avancés sur la calotte polaire au moment de notre présence dans le Petersen. Pour l'instant ce genre d'expérience ne me tente pas, par contre, de plus en plus, j'aimerais découvrir le Groenland en hiver. Mais là, ce n'est plus le même budget...
 La vue sur les 4 langues glacières qui plongent de la calotte vers le fjord est saisissante.



Puis nous arrivons face au Bruckner qui descend dans l'eau à l'extrémité nord de notre île de bivouac. 



Là aussi le spectacle nous laisse sans voix. Le souffle des baleines, même si elles sont trop loin pour les observer, ajoute encore au plaisir de la contemplation .



 Nous avançons encore un peu vers le fond du fjord mais il y a une dizaine de kilomètres pour le rejoindre. Nous décidons de revenir sur nos pas, l'objectif est de bivouaquer avant l'entrée du fjord d'Ikasak qui nous permettra de revenir dans le Sermilik et remonter vers le nord.
 Nous trouvons un excellent bivouac sans difficulté. Le débarquement n'est pas très aisé à marée haute mais par contre l'emplacement est idéal. Parfaitement plat et bien protégé avec une superbe vue sur le Petersen et le Sermilik au loin.





Le fusil est toujours prêt, à portée de main.



 A chaque bivouac, les tâches sont les mêmes. Monter le kayak en hauteur, se changer et faire sécher tout l'équipement kayak, monter la tente, remplir les poches à eau d'eau de torrent ou de glace, recharger les différentes batteries puis préparer à manger. Avant de se coucher, il y a aussi les détecteurs à poser, cela prend du temps pour trouver les emplacements les plus stratégiques afin d'être réellement prévenus à temps en cas d'arrivée d'un gros nounours.





 C'est quand tout est fait que nous pouvons ensuite commencer à explorer l'arrière du pays. Certains soirs, nous restons juste tranquilles au camp avec un bon bouquin. C'est là qu'on voit que nous ne sommes plus si jeunes...
 Mais ce soir nous explorons un peu, nous sommes sur une petite île qui permet une très belle vue sur un petit fjord étroit ainsi que sur le Sermilik et le Petersen.

Sur place je ne sais pas ce que tu as préféré, mais parmi les photos publiées l'ambiance de ces deux-là me plait vraiment :

   

C'est le fond du fjord avec le glacier Bruckner qui m'a laissée émerveillée mais la vue du bivouac était sympa aussi.

Jour 18: Cela ne manque pas d'icebergs


 Ce matin nous allons sortir du Petersen et rejoindre le Sermilik par une petite passe praticable uniquement à marée haute. Il va falloir s'engager dans l'Ikasak pour contourner l'île de Qertartivatsiaq (j'adore ces noms groenlandais). Nous devrions trouver cette passe qui nous évitera un détour de 7 à 8 km en évitant d'aller dans le Staklund fjord. Je pensais avoir téléchargé les horaires des marées sur mon portable mais je ne les ai pas retrouvés en arrivant au Groenland. Ce n'est pas grave car nous avons observé tout ça depuis quelques jours et nous savons que nous devons prendre notre temps pour laisser à la mer le temps de monter ce matin.
 


 Les distances sont vite parcourues car notre moyenne horaire augmente en même temps que mon coude s'améliore. Du coup nous en profitons pour faire une longue pause repas. Nous sommes dans une zone où les bivouacs sont assez nombreux et la navigation aisée.



 Et puis nous nous engageons dans le passage vers le Sermilik. La mer n'est pas encore à son maximum mais cela passe en étant attentif à diriger le kayak entre les fonds les plus hauts. Nous voilà à nouveau dans ce superbe fjord!
 Mais en entrant une surprise nous attend, des icebergs de toutes tailles bloquent l'accès au nord du fjord. Nous devons donc slalomer dans un premier temps entre des bourguignons assez denses (icebergs de petite taille)) mais qui ne nous inquiètent pas.



 Puis ce sont de très gros icebergs qui nous bloquent ensuite de toutes parts et ils sont trop hauts pour avoir envie de les longer. Et pourtant nous n'avons pas le choix, il va falloir sortir de ce labyrinthe. Nous repérons un passage qui permettrait d'atteindre une zone plus dégagée mais il va falloir naviguer dans un couloir d'un mètre maximum entre 2 monstres. C'est déraisonnable mais nous n'avons pas le choix. Nous avons un peu de mal à pagayer car nous manquons de place pour manier les pagaies et nous nous aidons des icebergs pour avancer. Il faut serrer les dents et espérer qu'aucun des deux n'aura envie de bouger ou de lâcher des morceaux de glace d'une tonne ou plus. On fait le plus vite possible en croisant les doigts et nous voilà de l'autre coté, ouf! La zone derrière est bien plus praticable et bien mieux dégagée. 
 Nous terminons assez facilement jusqu'à Ivnartalik bien à l'abri d'un mini fjord avec une petite cabane en bois.



 Après avoir monté la tente nous réalisons qu'en fait la cabane est ouverte, nous déménageons à l'intérieur car cela nous fera une nuit à l'abri des ours.


 
 Je profite du temps magnifique pour me faire une session de drone. Ce fjord est vraiment une merveille! On comprend en regardant vers le sud pourquoi nous nous sommes retrouvés coincés, les courants et le vent ont entassé les icebergs dans ce coin.











 Avant de me coucher, je reçois un message de Daphné (nous sommes à 8 km à vol d'oiseau de Tinit) me signalant qu'elle n'a pas trouvé mon appareil photo dans le voilier. Je suis désespérée et ne comprends pas comment il a pu disparaitre. Je ne veux pas imaginer qu'un habitant de Tinit soit entré dans la maison pour le voler. Cela me parait impossible mais du coup je passe une mauvaise nuit à envisager tous les scénarios possibles.

Ces photos d'icebergs ...  ouah tjs aussi magnifiques
Le passage d'1 m entre les icebergs, quel stress s'il y en a un qui bouge    . Coincé entre 3 requins baleines de 10 tonnes, j'avais la même inquiétude ... moins risqué qd même

Belle aventure ce voyage 

Le grand iceberg en forme de champignon bleu tout en haut de la page est étonnant... Et la mer d'icebergs est impresionnante

 tu as du courage 

il va falloir naviguer dans un couloir d'un mètre maximum entre 2 monstres

L'aventure c'est bien . . . mais l'inconscience fait-elle partie de l'aventure ?

Bon, tout finit bien et j'en suis très heureux pour toi et ton mari. Mais quand même, ne recommence pas un coup pareil.

À part ça les icebergs bleus et blancs sous cette magnifique lumière (et tout seul au milieu de tout ça) : c'est absolument féérique !

Malheureusement ce genre de truc peut arriver, la probabilité que la glace se retourne sur toi est faible si on regarde le temps que cela a pris. Mais ce sont des situations qu'il faut éviter le plus possible. Parfois malheureusement on y est forcé.  
Je vois suffisamment de photos où les gens passent sous les arches, on évite de le faire de notre côté car c'est un risque inutile, faible mais inutile. Mais je reconnais que c'est tentant et je ne leur jette  pas la pierre. Chacun fait ses choix.

Marifb a écrit:C'est déraisonnable mais nous n'avons pas le choix

Pifil a écrit:Mais quand même, ne recommence pas un coup pareil.

C'était simplement ma façon de dire la même chose que toi.
En fait j'imagine que le risque était que les deux icebergs se rapprochent de 20 ou 30 cm pour vous coincer.
Mais bien sûr que chacun fait ses choix ! Qui serai-je pour juger ? Je m'en garde bien.

Oui le risque est que l'espace se resserre entre les deux ou qu'un morceau nous tombe dessus.
Je ne t'accuse pas de juger Pifil mais j'essayais de m'en empêcher moi même

Quelle aventure fabuleuse: les mots me manquent mais ton récit me fait vraiment rêver.
J'imagine le stress entre les icebergs mais c'est aussi ce qui fait un peu le sel de ce voyage. Un peu comme en haute montagne quand on se retrouve à devoir traverser un glacier sous des séracs: c'est tellement beau qu'on assume le risque

La préparation d'une telle expédition dure combien de temps ? Des mois et des mois j'imagine ! Et j'imagine aussi que c'est un vrai plaisir de tout envisager, organiser, prévoir les parcours, les pauses et les aléas, oui un vrai plaisir mais aussi très certainement un dur labeur  ...

Mais alors, que le résultat est somptueux ! Pour vous bien sûr qui vivez ces incroyables moments et pour nous simples lecteurs qui vous suivons entre inquiétude et émerveillement.

Merci pour ce partage 

La préparation s'est faite à partir du mois d'octobre, moment où nous avons pris nos billets. Mais cette année ce fut moins compliquée car nous étions plus rodés après les deux précédentes randonnées.
Nous avons juste changé notre tente, la vieille n’étant vraiment plus efficace, changé notre balise de secours qui s'était révélée inopérante l'année dernière.  
Ce qui nous a le plus occupé fut la prévention contre les ours: location du fusil, détecteurs de mouvement, fusée de détresse, etc. Il fallait réussir à déterminer ce qui serait le plus efficace, ce qu'il était possible d'avoir sur place et ce qui serait transportable sur notre kayak. Donc recherche internet, échange avec des gens d'expérience, etc. Pour le matériel à amener, on savait quoi faire, pour la nourriture aussi. Je referais un bilan en fin de récit pour les personnes intéressées.
Et oui, comme toujours, la préparation est un plaisir car c'est un voyage avant le voyage comme les photos et les récits sont un voyage après le voyage.

Jour 19: Remontée vers le nord


 Nous quittons à regret la petite cabane et surtout le très bel environnement de ce petit fjord pour remonter vers le nord. Nous devions remonter dans le fjord le plus au nord du Sermilik, proche du glacier Helheim et rejoindre ainsi l'Inlandsis histoire de le fouler au moins une fois dans sa vie sur une randonnée de deux jours. Nous savons malheureusement que cela ne sera pas possible car nous nous rapprochons doucement de la fin du séjour. La traversée du fjord d'Angmassalik ne pourra se faire qu'avec une météo clémente et nous pensons qu'il faut 4 jours entre Tiniteqilaq et Kulussuk. Nous devons donc commencer à compter nos jours pour ne pas risquer de rater l'avion. Nous avons en gros 4 jours avant Tinit mais de la pluie et du vent s'annoncent. Il faudra être un peu stratégique car il reste encore le Sermilik à traverser à nouveau.
 La navigation est aisée ce matin, pas de gros icebergs ni même de bourguignons en embouteillages, la voie est plutôt libre. Et puis rapidement en sortant de notre petit fjord nous tombons sur des baleines, elles sont trois et curieusement, semblent en train de discuter sans bouger. Nous nous approchons intrigués mais malheureusement nous devons les déranger un peu et elles se mettent en mouvement. Ce qui est génial c'est qu'elles viennent vers nous et nous sommes même obligés de reculer sinon l'une d'elle va passer sous le kayak. Nous arrivons même à filmer une partie de la scène, trop bien! Cette fois ci elles sont passée très très près, nous aurions peut être presque pu en toucher une si nous nous n'étions pas reculé un peu. En fait nous n'avons plus peur, elles savent où elles nagent et cela leur arrivent assez rarement de sauter et encore moins dans une zone de glace où elles manquent de place pour le faire. Ces sauts d'ailleurs interrogent toujours les scientifiques, jeux, parade nuptiale, se débarrasser de parasites, assommer des prédateurs qui empiètent sur leur territoires, communiquer. Il ne semble pas y avoir de réponse pour l'instant. En tout cas nous sommes ravis de ce moment car nous nous sommes littéralement fous de ces animaux.


Photo prise à partir de la vidéo, c'est vraiment pas terrible...
Là on voit peut être mieux comme elle est proche. Surtout qu'elles sont deux et c'est la deuxième qui risque de passer sous le kayak.


 Puis le vent se lève, c'est donc le moment de sortir un peu la voile, c'est toujours génial de la faire fonctionner, notre moyenne horaire devient impressionnante.
 Nous bifurquons ensuite vers un fjord pour rechercher notre bivouac du soir. Il y a une belle plage ce qui est assez rare et un torrent. Nous trouvons un endroit bien plat pour la tente, c'est parfait.





 En déchargeant nos affaires pour les porter plus haut pour le campement, nous nous éloignons pas mal de notre bateau et de sacs que nous avons laissé sur la rive. En revenant je surprend un joli petit renard qui venait renifler nos appétissants sacs de nourriture. Nous n'en avions pas encore vu cette année et je suis ravie mais malheureusement il s'éloigne assez rapidement et contrairement à ce que j'imaginais, il ne viendra pas tenter sa chance auprès des sacs posés près des détecteurs. A mon grand regret car les détecteurs ne lui auraient pas laissé le temps de faire des dégâts et j'aurais aimé le prendre en photo ou le filmer.
 Nous sommes couchés depuis une vingtaine de minute et un détecteur se met à sonner. Eric sort, rien en vue (il faut dire qu'il sort juste le bout de son nez de la tente). Puis il sonne à nouveau et cette fois mon mari tombe sur un kayak qui vient de débarquer. Il s'agit de d'un couple d'espagnol qui débarque. Ils arrivent du nord et naviguent avec un kayak rigide loué pour 10 jours. Nous papotons un peu mais le froid est devenu intense et une fois expliqués les emplacements de nos détecteurs et leur fonctionnement, nous nous rendormons profondément. Nous en tirons la conclusion, eux comme nous, que se retrouver à 4 avec deux fusils est plus rassurant par rapport à l'ours. Eux sont aussi heureux de la présence de ces détecteurs car ils n'ont rien pour la nuit. C'est d'ailleurs assez caractéristique de voir que la conversation avec les personnes rencontrées en vient toujours à s'interroger sur la présence de l'ours. Chacun a quand même ce danger quelque part dans sa tête, plus ou moins enfoui selon sa personnalité mais présent.

Jour 20: La deuxième traversée du Sermilik


 En étudiant la météo la veille au soir, nous prenons la décision de traverser aujourd'hui. Nous ne pourrons pas rallier ni le Helheim ni l'Inlandsis par manque de temps et après demain il pleut toute la journée. Aujourd'hui il n'y aura pas de vent, du brouillard certes mais avec les GPS cela ne nous inquiète pas, c'est le bon moment pour traverser le Sermilik. Il y a un bon bivouac de l'autre coté si la traversée s'avère difficile, let's go!



 Cette traversée est un régal, le temps est plus dégagé que prévu, le kayak glisse tout seul d'iceberg en iceberg, nous apercevons un phoque. 



 Nous décidons de commencer à obliquer vers Tinit. Après tout puisqu'il s’apprête à pleuvoir demain nous serons mieux au village. Nous profiterons de la douche, ferons quelques courses de douceur et de fruits au Pilersuisoq. Le temps passera plus vite. Nous pourrions naviguer sous la pluie en cas d'urgence mais nous préférons éviter: risque de mouiller l'intérieur de la tente en la montant et la démontant, froid plus important en particulier pour les mains, manque de vue et de perspective sur les splendides montagnes. Bref que des désavantages.








 En obliquant vers le village de Tint nous commençons à rencontrer de véritables monstres de glace. C'est époustouflant. Certains pourraient contenir au moins 4 terrains de football, si ce n'est plus. Leur hauteur est sidérante, on dirait des montagnes. Nous nous tenons à distance respectueuse. Un gros derrière nous bouge un petit peu et pourtant il provoque déjà de bonnes vagues qui touche le kayak. Un autre craque brutalement et projette une grosse quantités de glace loin de lui. Voilà encore une bonne piqure de rappel: toujours prendre au sérieux les icebergs et les risques qui leur sont associés.




Celui là est tout petit par rapport aux autres...







 En arrivant à Tinit, mauvaise surprise, la marée est trop basse pour utiliser la passe qui mène au débarcadère et à l’île en face où nous désirons poser notre bivouac. Nous voilà parti pour des kilomètres supplémentaires. Il fait froid et nous sommes pressés d'arriver.


 
 Heureusement le bivouac choisi est très bien même si le lieu du débarquement est un peu éloigné de la tente et nous sommes heureux de nous poser un peu.

Sur place le ciel gris doit donner une ambiance et une lumière étrange sans doute envoûtante.

C’est toujours aussi intéressant de te lire .
Cette photo d’iceberg pourrait s’apparenter à une pierre précieuse .




Est ce que tu as pu échanger sur la fonte de la calotte glaciaire .
Quel est le ressenti des habitants ?

Merci pour ton texte et tes images .

Non on n'en a pas parlé. Je ne suis pas sûre que ce sujet les obséde tellement. A l'ouest ça va leur permettre de pêcher plus longtemps. Plus au nord par contre la banquise est plus longtemps fragile et c'est un problème pour les chasseurs.

Jour 21: Jour de pluie à Tiniteqilaq


 La météo ne s'est pas trompée, la pluie est présente dès le réveil. Nous trainons un peu au lit puis nous décidons de nous équiper pour traverser le chenal et aller prendre une douche au village. Il y a un peu de monde à la douche mais c'est l'occasion de passer un peu de temps à l'abri de la pluie avec les gens du village. Dans la petite salle, ça discute, bois des cafés, prépare un petit plat. De notre coté, nous faisons fonctionner nos zygomatiques car très peu parlent anglais et notre Kalaalit Nunat se réduit à quelques mots. De plus la langue de l'Est est assez différente de celle de l'ouest, ce qui complique encore l'échange. 
 Nous aurions aimé passer dire bonjour à Max mais nous savons qu'il est rentré en France pour les vacances.


Le petit village de Tinit

 Après des courses au Pilersuisoq pour la fin de la randonnée, nous nous décidons à rentrer sur notre petite île et quelle n'est pas notre surprise de voir que le voilier La belle Colombe est de retour. Nous retrouvons avec plaisir Daphné et Geoffrey qui vont partir le surlendemain en kayak pour un mois environ dans le fjord du Sermilik. Ils nous annoncent qu'un ours a été vu sur Tinit et ils hésitent à se lancer. Mais malgré l'inquiétude que cela nous provoque à nouveau, nous décidons de poursuivre notre périple. Cet ours est toujours quelque part mais heureusement il n'y a pas eu de rencontre. Eux aussi prennent la décision de partir quand même. Il faut rester vigilant certes, mais ne pas tomber dans la paranoïa pour autant.
 Et mon appareil photo? Et bien en fin de compte, Daphné l'a retrouvé, ouf! Ne sachant pas quand elle réussirait à nous voir, elle a préféré le laisser à l’hôtel de Kulusuk. Nous pourrons donc le récupérer à notre retour avant de prendre l'avion. Au moins les premières photos sont sauvées ainsi que l'appareil lui même, c'est déjà ça.
 Le soir nous jetons un dernier regard sur le Sermilik depuis notre petite île car demain nous changeons de décor en nous lançant dans le fjord d'Ikasartivaq pour rejoindre l'Angmassalik. Ce fjord nous aura émerveillé.

Bonjour Marifb, 

Compliments renouvelés pour cette belle aventure (et les photos qui demeurent splendides malgré le changement d'appareil) ! 

Une question : quand tu indiques que vous deviez faire une randonnée de 2 jours sur l'Inlandsis, aviez-vous prévu de dormir sur la glace ? Et pas de risque de crevasse dans ce secteur, ou alors aviez-vous du matériel adapté ? 

Merci !

La zone que nous visions était facile d'accès. On avait juste un piolet et pas de corde donc on aurait dormi soit dessus soit avant en fonction de ce qu'on aurait trouvé.

Jour 22: le fjord d'Ikasartivaq


 Nous quittons le Sermilik à regret mais la date de l'avion se rapproche et nous avons compté 4 jours pour le retour vers Kulusuk en kayak. Les paysages du fjord dans lequel nous pénétrons sont très différents. Très alpins, austères et magnifiques à la fois, ils donnent des regrets de ne plus pouvoir faire de l'alpinisme à cause d'un genou en très mauvais état. Quel terrain de jeu magnifique pour les mordus de l'escalade! Je suis sure que de nombreux sommets sont encore inviolés, peut être pas dans cette zone précise mais très certainement dans le grand sauvage du nord et du sud de Tasiilaq. A vos cordes et vos piolets!



 La navigation est assez aisée mais j'imagine que lorsque du vent s'engouffre dans ce fjord, cela peut sans doute devenir assez infernal. En tout cas nous avons retrouvé notre vitesse de croisière normale, ce qui est appréciable. Le coude ne pose plus aucun problème.
 Nous trouvons relativement facilement un bivouac agréable malgré mes appréhensions à ce sujet, le paysage étant très pentu.



 Un nombre assez important de bateaux circule dans ce fjord, touristes, pêcheurs et habitants empruntent cette voie pour relier Tinit, Kummiut et Tasiilaq. Une baleine passe au loin, elles aussi l'utilisent pour passer d'un fjord à l'autre.
 Nous trouvons une cascade derrière qui nous permet de nous ravitailler en eau car ici pas d'icebergs pour refaire nos réserves.   
 Nous aurons été surpris pendant ce séjour de voir la différence avec la baie de Disko au niveau des plantes et des animaux. Très peu de myrtilles et mêmes les kamarines, encore relativement présentes, sont loin d'être mures au mois d'aout. Il y a des champignons mais en faible nombre et nous n'avons trouvé qu'un seul cèpe. Les autres sont petits et ne semblaient pas comestibles. Même les moules sur lesquelles nous comptions pour améliorer notre ordinaire furent décevantes, petites et surtout très peu présentes comparativement à l'ouest.
 Cette région de l'est située pourtant bien plus au sud que la baie de Disko à l'ouest est beaucoup plus austère et stérile. Nous étions l'année dernière entre 69 et 70 degrés nord, nous sommes ici nettement en dessous du cercle polaire et pourtant la sensation de pays de cocagne que nous avions ressentie lors de notre premier expérience en baie de Disko n'est pas là. Moins d'oiseaux, moins d'animaux terrestres, seuls les animaux marins sont en nombre. Baleines, phoques, narvals et ours polaires occupent les lieux et trouvent leur ressource dans la mer. Nous craignions que les oiseaux activent sans arrêt notre détecteur de mouvement en nous référant à l'année dernière mais ce ne fut que rarement le cas. 
 On comprend à quel point la survie des inuits dans cette région a du être difficile. Quels trésors d'adaptation ont-ils du faire preuve pour réussir cet exploit!

Jour 23: On rejoint l'Angmassalik


 La navigation est un peu plus tonique aujourd'hui. Entre vents et courants contraires, il faut un peu plus appuyer sur la pagaie mais rien d'insurmontable. Nous rejoignons assez rapidement, après une relativement courte étape, la petite île à l'entrée de l'Ikasartivaq et qui porte le même nom. Nous savons qu'il y a là un ancien campement inuit car nous y avions abordé en nous rendant à Tinit. Nous savons qu'il y a de quoi bivouaquer ici.  
 Nous avons quasi rejoint le lieu de notre deuxième et dernier bivouac en début de séjour. Juste au sud se tient l’île de Qernertivartivit où nous espérions trouver des cabanes pour nous protéger de l"ours. La boucle est presque bouclée même si nous aurons du bien réduire nos ambitions à cause de ce fichu coude.





Il fait beau et notre étape était assez courte, nous en profitons pour explorer entièrement la petite île et aller aussi observer l'Angmassalik que nous traverserons demain.


Difficile de montrer à quoi ressemble ces ruines de campement.


En balade on garde toujours le fusil avec soi.




Il n'y a presque plus d'iceberg dans le fjord d'Angmassalik à part ce grand tabulaire qui permettrait de jouer au football dessus sans problème.





 Comme la météo s'annonce très calme demain et pour nous laisser une journée de marge au cas où, nous décidons de naviguer jusqu'à Kulusuk en une seule étape. Dans la nuit je serais réveillée par le souffle des baleines qui passent à coté de notre tente. J'ai même mélangé ce son dans un rêve avec la respiration d'un ours qui nous attaquerait. Comme quoi la vigilance et un peu de stress sont toujours là, quelque part dans la tête... Une fois réveillée (et rassurée) je profite de ce moment de plénitude. Les baleines sont vraiment mes animaux préférés en ce moment.

Jour 24: De retour sur Kulusuk


 La navigation est un vrai plaisir aujourd'hui. Il y a un peu de houle qui donne à la mer une puissance magnifique dans ce fjord mais aucun vent donc aucune difficulté à avancer. Nous passons au large du "fjord de l"ours" et croisons plusieurs baleines dont le souffle nous régale toujours autant. La rive Est du fjord nous semble plus sécurisée que celle de l'ouest dont le ressac autour de nombreux récifs nous avait un peu impressionnés.



 A un moment, nous nous faisons un peu peur car un objet blanc avec un point noir au milieu semble se diriger vers nous. Serait-ce un ours? Une fois les jumelles sorties, nous réalisons qu'il s'agit d'un ballon de football qui dérive, le village de Kulusuk n'est plus loin... Notre randonnée se termine.
 Nous débarquons près de l'aéroport et nous nous dirigeons vers l’hôtel Kulusuk car c'est là que Daphné a déposé mon appareil photo. Et il est bien là, ouf! Je suis trop contente de le retrouver ainsi que de ne pas avoir perdu mes premières photos!
 Nous décidons de prendre une chambre à l’hôtel, c'est très cher comme toujours dans ce pays mais nous nous rendons compte que les nuits au Groenland Est sont moins reposantes que celles au Groenland Ouest. Même si nous ne dormons pas si mal, loin s'en faut, nous sommes toujours en vigilance et l'idée de nous relâcher complétement à l’hôtel nous tente beaucoup, il faut croire que nous vieillissons un peu... Nous négocions le rangement de notre matériel dans un container car il nous reste un jour à passer ici et nous avons repéré des icebergs à l'Est de Kulusuk. Nous allons faire une dernière virée en kayak pour profiter de nos derniers icebergs et jeter un coup d’œil vers le nord.
 Une fois le matériel stocké, nous nous rendons à pied vers le village lui même.




Là aussi il y a un cimetière conséquent...




 Il y a encore des traineaux traditionnels ici et des peaux d'ours qui sèchent. Selon Paul de The Red House, il y a beaucoup d'ours sur Kulusuk car ce village est le plus près de la banquise dérivante.

 Nous mangeons un pique nique le soir dans le village, face au grand fjord.





 Le soir vient plus vite maintenant et le ciel coloré aussi, nous ne sommes qu'à 65 degrés nord. Les chiens hurlent à la disparition du soleil.

Jour 25: Un dernier tour


 Nous reprenons une dernière fois le kayak pour explorer l'Ikasartik qui remonte vers le nord et le Sermiligaq. Il y a un peu de vent mais comme il souffle dans notre sens nous sortons la voile.
 C'est un vrai plaisir de naviguer entre les icebergs une dernière fois même si nous avons un petit serrement de cœur en pensant que le départ est pour le lendemain.













 Au retour nous avons de la chance car les courants se sont inversés et nous rentrons aussi vite qu'à l'aller. En arrivant nous observons l’atterrissage de l'avion d'Icelandair qui fait la liaison quotidienne entre l'Est du Groenland et l’Islande.



 Il nous reste à tout sécher et ranger. Nous avons de la chance, il fait un temps magnifique et du coup tout est plus simple que l'année d'avant même si les chiots de l’hôtel viennent un peu perturber l'affaire.






 Nous nous offrons même le diner à l’hôtel qui nous semble délicieux après presque un mois de purée et de pâtes. Nous passons la soirée avec un français qui revient d'une excursion en voilier avec Sebastien Roubinet avec lequel nous avions discuté à Tinit.

Dernier jour: le départ


 Tout d'abord en arrivant à la fin du récit, je dois signaler que j'ai fait quelques erreurs dans mon décompte des jours. Nous sommes restés exactement 29 jours au Groenland or je m'aperçois que deux jours ont disparu de mon récit. Après avoir bien cherché, je me rends compte que ces jours se sont passés après notre retour de la première tentative. Il faut dire que nous étions très déprimés à ce moment et que nous avons beaucoup erré à Tasiilaq à la recherche de ce que nous pouvions faire sans pagayer. J'ai contracté 2 jours en un et une journée s'est passée sous la pluie.





 Cette mise au point étant faite, c'est le jour du départ. Il nous reste à admirer la belle fourrure d'un ours qui a été abattu devant l’hôtel l'hiver dernier et jeter un dernier regard de l'avion sur cette magnifique région du Groenland Est. La banquise s'est cette fois réduite à quelques icebergs mais les montagnes sont toujours de toute beauté. Une petite larme s'échappe de nos yeux car nous ne savons pas si nous pourrons revenir.