Voyage au Groenland : Kayak dans la baie de Disko

Bonjour

Cet été nous sommes partis à l'ouest du Groenland pour une randonnée de 23 jours en kayak gonflable dans la baie de Disko. C'est pour nous une 2ème expérience dans cette région. Après une semaine de kayak au nord de la baie de Disko en 2019, entre Saqqaq et Qeqertag avec des détours ici ou là, nous nous lançons cette fois ci pour le tour d'Arve Princess. A tout seigneur tout honneur, un immense merci à Pierre qui, grâce à son récit dans VF (aujourd'hui obsolète) nous a inspiré et nous a aidé à nous lancer dans une première expérience de kayak arctique alors qu'on n'était pas kayakiste (ou si peu). 

Nous avions loué une maison à Saqqaq pour une semaine en 2019 en pensant randonner ensuite mais nous avions vite compris que la randonnée pédestre ne serait pas très adaptée pour profiter des paysages du Groenland. Après avoir fait beaucoup de recherche sur les différentes embarcations et les options possibles, c'est Pierre qui nous a motivé pour acheter un kayak gonflable. Nous n'aurions sans doute jamais osé sans lui... Il a de plus été très disponible pour nous répondre et il l'a encore fait cette année pour cette 2ème expérience. Mille mercis à lui!

Avec un peu d'appréhension nous mettons en route cette expédition. Tout d'abord nous cherchons des partenaires car cela sera une randonnée d'au moins 20 jours et il y a des endroits assez exposés aux glaces. On nous a dit, il y a 3 ans, de partir à 2 kayaks minimum. Mais mi mars nous nous rendons compte que c'est impossible: il faut du temps, un petit grain de folie et quelques moyens financiers pour investir dans le matériel de navigation donc pas de candidats.. 

Nous prenons alors notre décision, tant pis nous partirons seuls! Heureusement nous avons gardé quelques contacts pour nous conseiller, Pierre, notre inspirateur, Jeff, ce français incroyable qui vient à Saqqaq depuis si longtemps et connait la baie de Disko absolument comme sa poche, Benoit, le moniteur de 66 Nord  avec qui nous avons échangé lors de notre retour à Ilulissat en 2019. Pour préparer cette petite aventure nous les sollicitons souvent, merci à eux.

En fait notre première randonnée nous a bien rodé, il y a peu de choses à revoir. Sur le conseils de Benoit nous nous équipons d'une balise de secours et nous achetons un gouvernail pour notre kayak car il y aura des traversées à faire et les vents catabatiques peuvent être puissants et inattendus. Jeff nous briefe sur les bivouacs intéressants et on discute intendance et encombrement d'icebergs avec Pierre.

Et puis le 14 juillet nous embarquons de Lyon pour Copenhague via Paris. Mauvaise idée que cette date car notre président bloque tout l'espace aérien car il a décidé de faire un tour avec la patrouille de France (si j'ai bien tout compris). Cela nous vaudra 2 heures de retard qu'on oubliera vite car notre correspondance sera assurée à Paris. Arrivés à Copenhague, nous avons opté pour un Airbnb très sympa et très proche de l'aéroport ce qui est important vu notre chargement.



Le matin notre hôte s'est occupé de nous trouver un genre de Uber et notre avion part à l'heure, ce qui est à noter avec Air Greenland. Nous survolons l'Inlandsis et sommes super émus de retrouver la blancheur des ces paysages grandioses.



L'arrivée à Kangerlussuaq est moins excitante. C'est une ancienne base américaine sans âme. Les maisons ressemblent à des containers, il y a un coté dépressif dans ce lieu. Pas de mer donc pas ou peu d'inuit. Que ferait un inuit sans phoque à pêcher... C'est un endroit qui n'existe pas vraiment, c'est l'aéroport qui semble être le poumon de la ville. Nous y avions fait un stop en 2019 mais en restant dans l'avion. Mais la mauvaise surprise du jour c'est qu'ils n'ont pas nos bagages, c'est à dire le kayak et tout le matériel de navigation et de camping.  Notre avion pour Ilulissat est le lendemain, on nous promet que cela sera là le lendemain et on nous passe un kit pour la nuit.





Nous dormons à l'auberge de jeunesse de Kangerlussuaq qui présente l'avantage d'être à un prix supportable ce qui est rare au Groenland. Cela s'appelle Vandrehjem pour ceux que ça intéressent. Par contre pour manger ce n'est pas terrible à part un snack un peu bof. Nous découvrirons au retour qu'en fait, il faut manger à l'aéroport qui fait un self tout à fait convenable et copieux.
A l'entrée de l'auberge de jeunesse un panneau assez marrant et dépaysant:




L’intérêt de ce genre d'endroits ce sont les rencontres d'autres voyageurs. Ici à Kangerlussuaq ce sont les randonneurs qui sont les rois. En effet c'est d'ici que part l'Arctic Trail qui mène à Sisimiut en une dizaine de jours de randonnée. Nous échangeons sur nos expériences. Un allemand a vu un bœuf musqué, cela doit être impressionnant.
Nous nous endormons avec le stress de ne pas retrouver nos bagages, dans ce cas toute l'expédition s'effondre...


#carnet
#carnet-Groenland

1er jour en baie de Disko

Ce matin on croise les doigts mais en vain, nos bagages ne sont pas arrivés. On nous promet qu'ils suivront à Ilulissat.
On doit embarquer donc dans un de ces petits avions d'Air Greenland qui desservent avec les hélicoptères les différents villes et villages du Groenland. En effet il n'y a pas de route au Groenland (à part dans les villes) et tout se passe par les airs ou par les voies maritimes.
Mais cet avion, nous allons l'attendre longtemps car le temps est mauvais sur Ilulissat. Les heures s'écoulent...



Et puis soudain cela s'agite, le départ va se faire. Notre avion est prêt à embarquer. C'est déjà ça même si on n'a toujours pas nos bagages.



La vue sur le glacier de Kangerlussuaq nous donne un avant gout des beautés de la baie de Disko.



En arrivant à Ilulissat, les larmes me montent aux yeux, quel bonheur de revenir ici! Je reconnais tout, je me sens à ma place.





Nous nous précipitons dehors pour voir la baie et là c'est incroyable, la baie est complétement obstruée par les icebergs. On est émerveillés mais aussi très inquiets des conditions de navigation...
Regardez le bateau pour vous rendre compte de l'échelle.



Nos bagages ne sont toujours pas là, on décide d'aller en ville pour notre ravitaillement pour ces 23 jours. Ilulissat est très bien pourvue en supermarchés, on trouve tout ce qu'il nous faut. J'avais établi des listes précises avec des quantités précises. On se trouve un bidon de jus de fruit chimique pour l'essence, c'est parfait, il a la bonne contenance.
Bon, on attendra nos bagages jusqu'en milieu d'après midi mais ils finissent par arriver, ouf. Par contre notre conducteur de bateau nous dit qu'il est coincé à Sisimiut par les glaces et qu'il reporte au lendemain, on va devoir camper. Après un petit repas au café Iluliaq qui était un peu notre QG à Ilulissat en 2019, on reprend un taxi pour l'aéroport où nous allons camper. L'endroit est tranquille, c'est pratique car nos bagages ont été mis dans les consignes et la vue est superbe.



Qui pourrait croire que nous sommes à coté d'un aéroport... Et pourtant notre petite tente est bien là au milieu de la nature...



Au large le spectacle est à perdre le souffle.









Nous nous endormons à la fois inquiets et excités de la journée qui nous attend demain.

bonjour et merci pour ce début de carnet
puis je savoir quel a été votre choix pour la balise de secours ?

Spot: très mauvais choix ça ne passe pas en bord de zone. On va acheter une inreach du coup pour la prochaine expédition.

Je vais suivre attentivement ce carnet: quel pays magnifique et ce doit être une belle aventure de le parcourir

2ème jour: le départ



Le matin nous commençons à préparer nos sacs pour le départ. Mais rien ne fonctionne comme on voudrait. Tout d'abord notre conducteur de bateau est injoignable, on devient fou à essayer de le contacter. On finit par remettre tout le matériel de camping dans une consigne et on gamberge, comment faire... En effet pour éviter une très grosse traversée d'entrée de jeu, on a décidé de se faire emmener au sud d'Arve Princess en bateau. Sans conducteur de bateau on peut essayer d'y aller en kayak mais on sort du covid tous les 2 et on n'est pas franchement en forme alors cette grosse traversée nous inquiète bien et cela rajoute 2 à 3 jours de kayak non prévus...



Et puis gros coup de bol! En allant à l'aéroport on tombe sur une voiture où est inscrit "Blue Guesthouse". On se dit qu'ils doivent tous plus ou moins se connaitre dans le tourisme à Ilulissat et j'interpelle le conducteur pour qu'il m'aide à contacter le propriétaire de bateau. Ce qu'il fait mais sans réussir lui non plus. Par contre il me demande quel service je recherche et me signale que c'est lui qui organise toutes les expés scientifiques du coin et qu'il bosse aussi avec Grand Nord Grand Large et 66 degré Nord. Cela me parait difficilement croyable qu'on tombe juste sur lui et pourtant c'est bien le cas et il va entièrement nous débloquer la situation. Il nous ramène au port, nous file de l'essence qu'on n'avait pas encore eu le temps de prendre et surtout nous trouve un bateau en moins de 2 heures, le miracle! On fait une pause vers ses containers où on croise un jeune guide de 66 Nord. On échange avec lui quelques anecdotes de kayak arctique et on parle des guides qu'on connait.
Et puis notre bateau arrive et nous voilà partis à pleine vitesse en direction d'Arve Princess. Ça y est on va réaliser notre rêve!
La traversée en Poca est incroyable, notre jeune conducteur slalome comme un fou entre les icebergs et on est bien balloté.
C'est un jeune inuit marié avec la jeune danoise qu'il l'accompagne. Il n’arrête pas de faire des blagues, nous déconseille d'aller coté ouest car c'est "open see" donc plus dangereux mais on s'accroche à notre parcours, on y a travaillé depuis trop longtemps. Il nous demande si on n'a une arme pour les ours, ce qui n'est pas le cas, et nous dit qu'il y a des ours blancs dans la baie de Disko. Ayant toujours entendu dire qu'il n'y en avait pas (c'est d'ailleurs une des raisons de notre choix de région) on pense qu'il cherche à nous faire peur vu qu'il n’arrête pas de blaguer. Mais on gambergera quand même un peu dans la soirée en rejetant finalement l'hypothèse.
Et puis ça y est on débarque. La jeune danoise fait une photo de nous au cas où (c'est rassurant...) et après un dernier signe de la main nous voilà seul au monde, heureux!





Le bivouac est idéal, il y a de l'eau et des endroits plats pour la tente. Il fait beau et nous savourons pleinement ce moment malgré les moustiques qui nous entourent par milliers (merci les moustiquaires de tête!). Nous partons faire un tour derrière, il y a même un joli petit lac.
Nous étrennons notre réchaud à essence qui fonctionne parfaitement, bref tout va bien. Nous nous endormons pour notre première nuit loin de tous et au milieu d'une nature superbe, quel pied!

3ème jour et premier jour de kayak


On se lève tôt ce matin (6h) car il va falloir gonfler, préparer le kayak et s'organiser pour le chargement. On va mettre 4h... Heureusement il fait beau, la mer est calme donc tout va bien.
On a un peu de mal à trouver un endroit de départ facile pour le chargement mais on finit par trouver une micro plage dans cette baie et tout se passe au mieux. Pas de vent contraire, le chargement a bien fonctionné malgré nos 23 jours de nourriture. On pagaie avec plaisir.
On fait une petite pause pour le repas dans un endroit parfait pour le bivouac mais on a repéré sur google earth une possibilité avec un peu plus de kilomètres qui devrait aller. On sait que cette côte peut être difficile à cause des vents dominants dans l'autre sens donc on veut avancer tant que c'est possible. Par contre pas de bol, le coin repéré ne fonctionne pas bien, pas de vrai débarquement simple, pas non plus d'endroit très"campable" même si cela reste jouable.
On décide alors d'aller plus loin mais plus loin cela signifie 10 kms de plus, tant pis on est en forme, c'est parti! On fait bien car cela se fait sans problème et on arrive à un bivouac idéal. Il y a de l'eau, des espaces plats, de quoi débarquer confortablement. Nous qui voulions faire peu de kilomètres le premier jour on aura quand même fait 25 kms malgré le temps de préparation de la matinée, on est fier de nous.



Et puis le soir on a notre première récompense, des baleines dans la petite baie! On est comblé. On savoure ce moment et on réalise la chance qu'on a d'être là. Une douzaine de jour plus tôt on doutait de pouvoir venir à cause du covid et notre premier puis 2ème conducteur de bateau nous avait fait faux bond mais ce soir tout va bien, on est en train de réaliser notre rêve.

4ème jour: En route pour Agpat, le village abandonné


Aujourd'hui on décide d'y aller tranquillement, on a bien pagayé hier et on veut se faire une journée tranquille. Le temps est un peu couvert mais pas beaucoup de vent. A un moment un peu de vent se lève mais dans le bon sens, on décide alors d'essayer la petite voile qu'on a apporté C'est un premier essai plutôt concluant. Le vent s'y engouffre bien et pousse le kayak, le seul défaut est que celui qui tient la voile ne peut pas pagayer mais le vent compense sans problème. Bon, heureusement qu'on s'est entrainé la veille à replier la voile car quand le vent baisse, cela peut être un peu galère vu que c'est un système ressemblant aux tentes 2" de Decat.
Au niveau faune, on se régale. On a droit à un phoque alors qu'on en avait peu vu en 2019 et à un couple de baleines. C'est la première fois qu'on voit des baleines du kayak, c'est excitant même si un peu stressant. Tant qu'on les voit, tout va bien, mais quand elles plongent, la question est: "où vont elles ressortir?". On croise les doigts pour que cela ne soit pas sous le kayak car ce sont quand même de très, très gros animaux...
Mais c'était un de nos regrets de 2019 et ça y est, on y est, nous sommes dans l'eau avec elles! Que de bonheur à nouveau!
La région où nous arrivons est très belle et austère à la fois. Il faut dire que le ciel se couvre vraiment, les montagnes sont hautes et cela donne une belle ambiance. L'air est immobile, nous nous engageons dans une sorte de couloir avec 3 íles et passons un fjord magnifique.



Puis nous arrivons à Agpat. Le froid est vif mais après le pique nique nous partons explorer le village et l'ïle d'Agpat. Nous voulons jeter un coup d’œil à la partie nord de cette île et à l'île de Norde  où un bivouac semble possible et qui nous rapprochera du fjord de Langebugt que nous voulons traverser demain.



C'est fou de voir ce village abandonné, il semble l'être depuis peu de temps même si cela date d'au moins une 20aine d'année. Vraisemblablement des pêcheurs s'en servent sans doute encore comme abri car on trouve des restes récents de phoque.





Il reste même les toilettes...






La flore est très belle aussi à cette saison.








Après avoir observé Norde du bord nord d'Agpat , nous décidons d'y bivouaquer ce soir pour être proche du Langebugt. Nous passons à coté d'un énorme iceberg qui nous confirme de ne pas rester à Agpat car il est trop près de la plage nord qui aurait pu nous intéresser.





En naviguant nous observons un autre bivouac intéressant sur Arve Princess mais nous restons sur notre décision d'aller sur Norde, cela se révélera une belle erreur...
Le gros iceberg nous semble suffisamment loin et cela montre juste notre méconnaissance arctique. Heureusement l'endroit le plus plat est assez haut, un peu plus de 6m, nous y montons aussi notre kayak.



Une fois le campement installé nous explorons l'île. Je me fais une mini entorse dans un trou mais heureusement sans gravité, merci les chaussures montantes.





La nuit, je suis réveillée brutalement par mon mari qui crie "tsunami", "tsunami". J'essaie d'émerger, j'ouvre la tente et là je vois une énorme vague qui arrive vers nous, c'est effrayant. Je suis figée dans mon duvet. Heureusement nous sommes suffisamment haut mais quelle peur! Mon mari a été éveillé par le fracas du glacier, un bruit 10 fois plus énorme que les bruits de craquements habituels d'icebergs, il est sorti et a vu 4 vagues successives et énormes déferler vers nous. Celle que j'ai vu est la 4ème. Ce qui marque, c'est le bruit énorme que cela fait. Quand on voit la vague arriver, on sait que c'est grave.
On descend prudemment vers la plage pour constater l'étendue du tsunami. Ce sont bien des vagues d'environ 2 m qui sont arrivées sur cette plage, c'est terrifiant. Jamais je n'aurais pu imaginer que des vagues de cette hauteur puisse arriver d'un iceberg. Un front glaciaire, oui sans aucun doute, mais pas un simple iceberg (certes, on a calculé qu'il faisait 65 m de haut). Nous venons de prendre un avertissement sans frais...
Mon mari se réveillera plusieurs nuits au moindre bruit d'icebergs.

Quelle panique, @marifb, j'ai eu peur pour vous !

depuis le début je me dis qu'il doit faire bien froid pour le bivouac ou même le kayak, quelle est la température de l'eau, et la température de l'air, de jour e de nuit ?

vous partez tous seuls et personne ne sait où vous vous trouvez ?  que se passera t il en cas de pépin ?

Courage à vous, les paysages sont à couper le souffle, les animaux aussi

Bonjour,
Personne ne vous a prévenu que les icebergs peuvent être dangereux et que s'en approcher en canoë kayak est risqué. Non seulement ils peuvent se fracturer et leurs débris créer de grosses vagues mais il peuvent aussi se retourner. C'est un très beau spectacle si l'on est en sécurité.

Bien sûr que si 4yne mais de telles vagues pour un seul iceberg, je peux te dire que ce n'est pas fréquent. On en a parlé à notre retour, les gens étaient quand même étonnés. Le plus gros danger c'est les glissements de terrain, ça c'est terrible. Les fronts glaciaires, c'est hyper dangereux aussi, on dit qu'il vaut mieux ne pas s'en approcher à moins de 3, 4 kms. Mais dans la nature tu n'es jamais à l'abri d'un coup plus important que d'habitude. Le glacier Eqip a apporté une vague de plus de 10 m à Ata, détruisant ce village situé à 28 kms du glacier...  Cet iceberg avait décidé de nous faire peur. Ceci dit en pleine mer, tu risques un peu moins car tu montes avec les vagues même si ça reste quand même aléatoire. Le pire c'est quand tu débarques en fait car c'est à ce moment que la vague est la plus dangereuse. Et on a beau essayer de faire ça vite, ce n'est pas évident car on ne transporte pas à pied  un kayak complètement chargé. On est obligé d'enlever quelques sacs avant de le sortir de l'eau. On y pensait à chaque fois y compris en 2019. Pour le bivouac, les Inuits disent qu'il faut mettre la tente et le bateau à 10m mais ça c'est la théorie car parfois c'est impossible de trouver un endroit qui convienne. Et des maisons sont construites à moins de 10m.... C'est le principe de ce genre d'expédition: tu connais les dangers et tu fais le mieux possible en fonction des situations.

Pour répondre à ta question Déborah, la mer est entre 2 et 4 degrés. Il faut impérativement être équipé d'une combinaison sèche pour espérer survivre en cas de retournement. A l'extérieur cela a varié entre 0 et 15 degrés. La température tombe moins la nuit vu qu'il n'y a pas de nuit.  Il a fait plus froid sur la fin du périple et quand on n'était pas loin de glaciers.
Pour la communication on était équipé d'une balise satellite mais j'en parlerai dans mon récit, ce ne fut pas une réussite. Nos enfants étaient au courant de notre périple et ils avaient le numéro du propriétaire du bateau qui nous a amené au sud de l'île.

5ème jour: du vent et des vagues


Ce matin quand on se réveille la toile de tente claque au vent. En sortant on voit que la mer moutonne déjà fortement et on est censé traverser un fjord assez important (environ 5 kms de traversée prévue). On a prévu très large pour cette randonnée on ne va donc pas se mettre en danger inutilement. Nous ne sommes pas en retard,  loin s'en faut, la prudence est de mise et notre décision est de rester une journée sur Norde.
On va donc explorer l'île et faire un peu de lessive. On occupe donc tranquillement notre temps à observer une famille d'oie sur la partie en plateau de l’île (mais j'avais oublié mon appareil...). On trouve une petite retenue d'eau pour la lessive. On bouquine tranquillement. Le temps devient lumineux et ensoleillé et le vent semble baisser un peu. Demain on tente la traversée du Langebugt.

6ème jour: ça n'avance pas


On ne peut pas s'empêcher d'avoir un sentiment d'enfermement sur cette île et ce matin le vent, si il est moins fort, n'est pas encore tombé. Nous prenons quand même la décision de quitter l’île. Pas question de traverser le Langebugt d'un seul tenant car le vent souffle du nord-est et pourrait nous emmener sur l'île de Disko à plus de 20 kilomètres au large. On va donc déjà faire la traversée du chenal qui fait un kilomètre et demi maximum puis on entrera dans le Langebugt face au vent mais près de la côte et on verra à ce moment si il est sage de traverser.
Si la traversée du chenal se fait avec des vagues raisonnables cela devient de plus en plus compliqué en s'approchant du Langebugt. On va batailler presque 2 heures pour faire les 6,5 kilomètres qui nous séparent d'une baie où on arrive enfin à s'abriter. La mer est vraiment creusée et si notre vaillant kayak se comporte bien, on sent qu'on se rapproche des limites. Quand on débarque, on est épuisé, pour 6.5 kms... Cela a été une bataille de bout en bout. Impossible de traverser le Langebugt dans ces conditions, il faut s'arrêter là.
Heureusement le bivouac est parfait, de l'eau, du plat et des moules! Les premières qu'on trouve depuis le départ, à notre grand étonnement d'ailleurs car en 2019 on en trouvait tous les jours.
On se pose là, on explore les lieux, il y a plusieurs lacs derrière. On a droit à nos premières moules marinières le soir et le vent est tombé.
Ça va mais le Langebugt s'est refusé encore une fois à nous.

7ème et 8ème jour: De pire en pire...


Ce matin c'est la pluie qui nous réveille. Elle tambourine rudement sur la toile de tente. Zut, comment on fait? Il fait froid en plus et on se dit que défaire le camp en risquant de tout mouiller, ce n'est pas raisonnable. On est seul ici et il n'y aura pas d'abri pour faire sécher les affaires si ça ne veut pas s’arrêter. Alors risquer de mouiller le couchage, cela nous parait risqué. Bref il va falloir que cela s’arrête, c'est plus raisonnable.
Sauf que cette histoire dure 2 jours! Que la tente qui n'est pas de 1ère jeunesse commence à avoir du mal à contenir toute cette eau. Que les duvets eux mêmes commencent à passer de humides à mouillés. Le moral est dans les chaussettes....
Curieusement on a deux accalmies de 1 heure environ, à chaque fois pour le repas du soir, c'est déjà ça, car notre trente a une bien trop petite abside pour se risquer à y utiliser un réchaud et encore moins un réchaud à essence.
On gamberge franchement. Va-t-il falloir abandonner notre tour d'Arve Princess? Je fais des plans sur la comète: en 2 jours on doit pouvoir rejoindre le village de Qeqertaq et de là prendre le bateau bus qui passe les jeudi pour revenir sur Ilulissat. Mais quelle déception cela serait...
Bref c'est pas la joie.
On essaie de ne pas péter un boulon 48h dans une si petite tente. Heureusement qu'on a nos liseuses et qu'on les a chargées à bloc sur Norde lors de la journée de grand vent!



Le petit étang derrière se remplit un peu vite à notre gout.





Le repas du soir nous permet de nous aérer un peu et surtout de cuisiner chaud. Mais les accalmies ne durent pas...

Quel suspense.... une belle aventure. Bravo et merci pour le récit

9ème jour: on repart enfin!


Ce matin le spectacle qu'on contemple de la tente ressemble à ça, ouf! On va pouvoir repartir.



On emballe vite les affaires mais vite c'est minimum 1h45 entre la sortie du duvet et les premiers coups de pagaies. C'est le défaut de ces expéditions kayak, tout prend du temps même en étant bien organisés.
Mais le paysage est somptueux quand on part et on est heureux de passer du gris au bleu.



La traversée du Langebugt se passe très bien, la mer est d'huile. On finissait par penser que ce lieu était maléfique et nous en voulait mais aujourd'hui, on glisse sur l'eau, c'est un régal. On longe les falaises qui précédent le fjord de Smallesund dans lequel nous allons devoir pénétrer afin de de passer au nord de l’ile et de pénétrer dans le mythique Torssukatak. On croise à nouveau des baleines, quel plaisir!
L'entrée de Smallesund est un peu plus délicate car des courants contraires travaillent contre nous. Il suffit de relever le gouvernail et les choses s'arrangent. Il nous reste environ 8 kms avant notre point d'étape, le moral est revenu. Nous nous arrêtons dans un endroit qui pourrait faire lui aussi un bien beau bivouac mais fini de trainer. On n'a quand même fait que 6.5 kms en 4 jours les jours précédents...
Nous poursuivons notre cheminement dans le Smallesund et arrivons à sa porte nord où un beau bivouac nous attend.
Nous ne pourrons pas monter la tente très haut par contre, on se rassure en se disant qu'il n'y a pas de gros icebergs dans le fjord. On sort tout pour sécher enfin nos affaires et recharger les batteries et téléphones, tout s'arrange. On voit même passer plusieurs baleines et des pêcheurs en bateau qui nous saluent de loin.



Nous décidons de monter sur la falaise qui surplombe le Torssukatak pour voir le village Qeqertaq à une 15aine de kilomètres et peut être Saqqaq plus au nord. Cela nous rappellera des souvenirs de 2019 puisque c'est dans ce village que nous avions fini notre randonnée située plus au nord. Et puis on prend bien nos téléphones car on se dit que le réseau passera peut être car il n'y aura aucun obstacle entre Qeqertaq et nous.



Quelle vue splendide!



On distingue Qeqertaq tout au fond à gauche.









Et puis sur le haut de la falaise les téléphones se mettent à biper à fond. Une cascade de messages tombe. Ce sont nos enfants hyper inquiets qui annoncent que si ils n'ont pas de nouvelles d'ici ce soir ils lancent les secours... On maudit notre balise satellite spot mais on est soulagé de recevoir ces messages juste à temps. Cette balise permet d'envoyer des messages pré-enregistrés ainsi que notre position GPS. Nous avons scrupuleusement envoyé un message tous les soirs disant "tout va bien, voilà notre bivouac" mais nos enfants n'en n'ont pas reçu un seul! Pourtant nous avions effectué des tests en France, tout fonctionnait parfaitement. Une seule explication: la baie de Disko est en zone limite du satellite et Spot a eu la main un peu lourde en dessinant les contours de la zone. Ce qui devait nous apporter de la sécurité a bien failli nous mettre dans une sacré galère. On aurait eu l'air malin en voyant débarquer les secours...
On rassure tout le monde et on leur dit de ne plus compter sur cette balise. On continuera à leur envoyer des messages mais pas un seul ne leur parviendra en fin de compte. On revendra la balise en rentrant.
On observe le Torssukatak qui sera notre prochain terrain de jeu, il a l'air assez ouvert, tant mieux car on sait que c'est un endroit où on peut se faire coincer par les icebergs. C'est notre plus grosse inquiétude depuis qu'on prépare cette randonnée. Le petit passage entre Smallesund et le Torssukatak est un peu obstrué mais on ne s'affole pas car on sait comme tout change vite avec les courants et le vent. On verra demain.



En mangeant le soir, on a droit à la visite d'un couple de renards arctiques. Le mâle nous glapit dessus longtemps, on suppose que des petits ne sont pas loin. Le mâle reviendra pendant la nuit glapir à nouveau à 2 pas de la tente.
Désolée pour les photos qui ont été prises à contre jour et je n'étais pas équipée d'un objectif suffisamment qualitatif (il était trop lourd je l'ai laissé en France)

Que la lumière est belle dans ces contrées quand le ciel est bleu !
Mais que ça a l'air déprimant sous un ciel sombre (même s'il ne pleut pas).
Côtoyer les animaux "chez eux" doit être une émotion forte,  surtout quand on est soi-même en situation précaire et vraiment pas chez soi . . .
Un tsunami comme cadeau de réveil ça doit également secouer. Je comprends que le sommeil des nuits suivantes soit léger et sensible au moindre petit bruit.
Bel exploit sportif. Profitez-en bien car les années filent et un jour le physique régresse doucement mais inexorablement.
Carnet original et instructif. Merci.

Merci Pifil et les autres pour votre intérêt. Contrairement à ce qu'on pourrait croire ce n'est pas particulièrement dur physiquement. Tout dépend bien sûr de la quantité de kilomètres qu'on est prêt à faire. Certains font 40 kms par jour. Mais ce n'est vraiment pas ce qu'on cherchait. Ce qui importait pour nous était plutôt d'arriver assez tôt dans la journée et de profiter des lieux. Donc on l'a pris très cool et on a calculé bien largement nos jours.
La seule fatigue est liée au fait d'être en plein air toute la journée et à une certaine tension sur les décisions à prendre car ce milieu est relativement hostile pour des européens du sud comme nous. Mais lorsqu'on est habitué aux longues randonnés pédestres ce qui est notre cas, on s'adapte assez facilement à ce type de randonnée kayak. Il faut juste ne pas perdre de vue que la nature ne fait pas que des cadeaux et rester vigilant.
Et oui Pifil on est bien conscient que les années avancent vite et qu'il ne nous reste plus énorme de temps pour faire ce genre de choses. C'est d'ailleurs pour ça qu'il y ait de grandes chances qu'on reparte l'année prochaine

Nous on a passé très largement l'âge de faire ce genre de voyage, mais on apprécie beaucoup de vous lire
  pour ce partage

10ème jour: Le Torssukatak dans la brume


Au réveil nous sommes dans un brouillard cotonneux. Hésitation à nouveau car nous arrivons dans une zone qui peut être bloquée par les icebergs, ou plus exactement par de la brash ice, c'est à dire de petits glaçons souvent en provenance d'effondrements d'icebergs qui deviennent parfois trop nombreux et empêchent la progression du kayak. Donc ne pas avoir de visibilité nous inquiète un peu. De plus il s'agit d'une étape d'environ 25 kms avec quasi aucun arrêt possible, excepté pour se dégourdir les jambes mais certainement pas pour camper car ce sont des plages bordées de très grandes falaises et tout cela dans une zone fournie en icebergs. On est donc un peu tendu quand on démarre. Le premier obstacle qui coinçait l'étroite sortie du fjord s'est éloigné, on passe sans difficulté à condition de ne pas s'éterniser près des icebergs. Rapidement on se détend. On voit la côte et on distingue iceberg après iceberg afin de ne pas approcher de trop près les plus gros. En plus cette cette ambiance est magique. Tout semble fantomatique.



La mer est plutôt étale donc la navigation se fait bien. On fait une petite pause sur une de ces mini plages pour le midi.





Après la petite pause pique nique on se rapproche de la partie nord-est qui a posé souvent des problèmes à d'autres kayakistes mais la navigation reste bien fluide et en plus le plafond nuageux remonte et nous laisse apercevoir les deux glaciers qui jalonnent cette partie du circuit. A nouveau c'est superbe.







Nous aurions bien envie d'aller vers ces glaciers mais, outre le danger qu'ils peuvent représenter, nous sommes encore dans l'imaginaire que ce coin avait provoqué dans notre préparation. Je me suis réveillée avant le départ une fois ou 2 en imaginant le kayak écrasé par les glaces... Nous poursuivons donc notre route vers l'île d'Ange pour le bivouac. Nous en garderons un certain regret car la zone semblait bien accessible cette année.



Lorsque nous débarquons à Ange, nous sommes fiers de nous! Nous avons passé le Torssukatak sans encombre. Après le sur place du Langebugt nous savons maintenant que nous allons réussir cette randonnée. Il nous reste largement de temps pour ça.
Le bivouac est très agréable et nous trouvons des moules.





Nous terminons la soirée en admirant le glacier.

Merci @Marifb pour ce partage, hâte de lire la suite. Le Groenland me fait de l’œil depuis longtemps. La destination m’apparaissait superbe mais difficile d'accès ; ton carnet semble le confirmer.
En tout cas, bravo ; vous avez de la suite dans les idées et un moral à toute épreuve !

Merci à toi Xeta. C'est une très belle destination et un coup de cœur absolu pour nous. Je ne trouve pas que c'est si difficile d'accès mais c'est la nature à l'état brut et bien sur il faut composer avec elle.

Merci Marifb pour ce récit .

J’avoue que pour moi qui hésite  à m’aventurer au  dessus de la Loire , la découverte de ce territoire auquel je ne m’intéressais pas  m’a scotchée , je commence à comprendre le plaisir qui en découle pour certains . 
Même si je préfère les déserts chauds , ergs ou regs qu’importe , ces étendues sont fascinantes .

11ème jour: plus long que prévu


Aujourd'hui on se sent serein, pour nous le plus gros est fait et il nous reste beaucoup de jours donc on veut le prendre tranquillement avec de petites étapes pour profiter de l'arrière pays. On s’apprête à faire une douzaine de kilomètres, on a repéré un ancien campement sur la carte. Le temps est beau et la mer comme un miroir. On se rapproche un peu du glacier avant de sortir du Torssukatak et de s'engager dans l'Atasund, le couloir qui descend vers le sud.










Et puis ça y est, voilà l'Atasund, nous allons plonger vers le sud! J'envoie un message satellite aux enfants car on avait pré-enregistré un message qui annonçait notre sortie des zones délicates mais bien entendu il n'arrivera pas non plus...





Malheureusement le campement repéré sur la carte est loin d'être pratique pour accoster, il faudrait remonter le kayak sur des pentes très abruptes, nous décidons de poursuivre vers le sud. Et puis soudain au loin nous voyons 5 kayaks s'avancer vers nous, cela fait bizarre car on n'a vu personne depuis 10 jours. Ce sont des français, 2 guides de Terres oubliées et 3 clients qui remontent vers le Torssukatak. Ils sont contents d'apprendre que la voie est libre. Ils sont à la recherche de baleines car ils n'en n'ont pas encore vu mais il est vrai que nous n'en n'avons pas vu depuis avant hier soir au dernier bivouac du Smallesund. On leur demande si il y a des bivouacs possibles mais ils nous annoncent qu'il n'y aura rien de probant avant Ata. Pfff ça fait loin ça... Pour une journée cool c'est pas gagné en fait.
En effet nous nous arrêtons pour le pique nique sur la plage repérée sur la carte. On explore bien le lieu mais le bivouac n'est pas terrible, aucun endroit vraiment plat pour dormir. Pour une urgence, cela irait mais on a encore du temps devant nous. On va donc poursuivre vers Ata.



Devant nous le glacier Eqip. Nous avons beaucoup hésité à le rejoindre mais c'est un endroit qui fait l'objet d'excursions depuis Ilulissat avec des lodges au prix démesuré. Or on s'en rend compte avec la courte rencontre avec les 5 de Terres oubliées, on est devenu un peu sauvage. On a envie de continuer seuls face à la nature. On laisse donc le glacier Eqip et on poursuit vers Ata que Jeff nous a vanté.
Mais le vent se lève, rien de problématique dans un premier temps mais en bifurquant vers Ata on est pris dans un clapot très déstabilisant. Heureusement que ce kayak est une merveille de stabilité. Ceci dit c'est limite, il est donc temps de s’arrêter. Une petite baie juste avant Ata nous fait l'effet d'un havre et on est crevé après ce "rallongi" non prévu. On s’arrête donc ici. Le clapot cesse dans la baie, on débarque sans problème.





Et en plus il y a des champignons ici. Nous n'en avions assez peu vu jusqu'à présent, jamais de quoi faire une vrai fricassée. Mais là on va se régaler.

L'ambiance "icebergs + ciel gris-bleu" est assez étonnante.
Très belle photo que celle-ci :