Les moments d'émotion en voyage

Suite de la traversée du Sahara.
Nous sommes en Janvier 1978. Avec mon ami Angelo , partis de  France au volant d'une véritable épave , une Peugeot 404 de 1963 achetée 800 francs ( 120 euros) à un garagiste Bordelais, nous sommes parvenus, après  diverses pannes et crevaisons ainsi que moultes péripéties au poste frontière de Bordj Mokhtar,  une simple casemate située en plein désert du Tanezrouft ( le désert des déserts en Tamacheq)  à 795 km au sud d'Adrar,  la dernière ville Algérienne  qui constitue la porte du Tanezrouft.A Bordj Mokhtar nous sommes encore à 140 km de Tessalit le poste frontière Malien situé dans l'Adrar des Ifoghas (un univers montagneux minéral dantesque) Et c'est dans cette casemate que nous devons présenter nos passeports ( déjà visés à Adrar)  aux 3 ou 4 douaniers qui sévissent en ces lieux souvent par mesure disciplinaire (car ici il n'y a RIEN) et qui en l'absence d'un petit bakchich de notre part peuvent nous faire patienter au moins 2 jours  lorsqu'on se présente un Vendredi ( jour férié oblige!) et qu'ils ont décidé de faire le pont jusqu'au lundi..Les choses vont s'arranger avec un petit cadeau: Un peu de mauvais vin en cubi acheté dans un port franc Espagnol( Ceuta) sur la côte Marocaine. Nous finissons par obtenir le précieux tampon sur nos passeports ainsi que  des conseils de vigilance concernant le cheminement à suivre, car le tracé au sol est ici inexistant et la "piste" se sépare en 2 directions 500m après le bordj . En effet,la veille un véhicule étranger est parti dans la direction de Tin Zaouaten, nous ont-ils dit, sur une piste infernale avec le risque qu'on retrouve un jour leurs cadavres momifiés comme ce fut le cas de touristes inexpérimentés deux ans plus tôt...
Notre 404 au bout du rouleau, chargée de vivres, d'outils, de plaques de désensablements, d'un embrayage de rechange, d'un fut d'essence de 200 litres ( bien entamé quand même) et d'une réserve d'eau insuffisante pour rejoindre la Ville de Gao au Mali...Il faut dire que cette eau au départ était surtout prévue pour notre consommation perso et non pour celle du circuit de refroidissement de la Peugeot qui était constamment très assoiffée!
Nous nous étions donc dit qu'il valait mieux rouler le soir à la fraîche et pourquoi pas de nuit pour économiser un peu d'eau...Je ne parlerai pas de ce qui a aussi modifié notre comportement insensé et fait prendre de gros risques car  ça ne serait pas conforme à l'éthique du forum...
Donc nous voilà roulant de nuit toujours en plein Tanezrouft sur une piste  qui n'en est pas vraiment une..Elle est balisée par des futs disposés au sol tous les 5 km, fûts qu'on distingue à peine de jour et qui disparaissent dès que le vent se lève emportant avec lui le sable qui altère considérablement la visibilité...De nuit nous sommes contraints de suivre les traces de roues au sol, traces qui s'étalent parfois sur une largeur d'un bon km .( Le Tanezrouft c'est un reg caillouteux plat comme la main) il arrive que de temps à autre à droite comme à gauche des traces isolées partent perpendiculairement à la piste principale et vont finir je ne sais où recouvertes par le sable...C'est mon pote qui est au volant, je suis un peu assoupi à côté, dans une voluptueuse béatitude bercé par une cassette des Pink Floyd...

et bien, quelle aventure, vous avez vraiment pris des risques inconsidérés 
pourquoi n'avoir pas rempli jusqu'à ras bord votre réserve d'eau ?

Bon je me demande comment vous allez vous en sortir...

pourquoi n'avoir pas rempli jusqu'à ras bord votre réserve d'eau ?

Nous avions largement ce qu'il fallait d'essence et  50 litres d'eau ou plus étaient prévus pour notre consommation personnelle seulement voilà la voiture a commencé à chauffer durant la traversée de L'Espagne ( en Janvier!) et une fois en plein désert si on ne voulait pas casser le moteur ou griller un joint de culasse il fallait alimenter le circuit de refroidissement régulièrement!

Vers 4 h du matin, nous sommes réveillés par de grands coups donnés contre la paroi de notre véhicule. On regarde par la fenêtre : c’est un jeune complètement « bourré » qui essaie de se défaire la braguette pour « pisser », il n’y arrive pas et bougonne en tapant du poing !

Je ne suis allé plus au nord qu' Amsterdam mais j'imagine que fin juin au solstice en Islande Il doit faire jour presque H24 non?
et dans ce cas les Islandais doivent avoir des habitudes différentes des nôtres et ne pas tenir compte de ce qu'indique leur montre et effectuer des tâches à minuit ou 2 h du mat comme s'ils était 14h ou 15 h sous nos latitudes.

@pifil et autres " aventuriers"
Yemen: kalachnikov et autres " joujoux"....
C'était l'été,1996, presque au même moment que vous @pilil
.Nous marchons dans la montagne aux environs de Manakha, seuls, savourant le calme et la beauté du lieu. Soudain retentissent des tirs de kalachnikov en avant sur le sentier. Surprise et inquiétude...que faire dans ce lieu isolé? Nous avançons prudemment et tombons sur un groupe de jeunes gaillards armés jusqu'aux dents.
Un mariage a lieu au village et, pour s'amuser un peu et montrer leur dextérité ils tirent à la kalachnikov visant un grand  trou, loin dans les rochers.
Très amicaux et sans façons, ils proposent à mon mari de s'exercer aussi et vont jusqu'à le féliciter pour la précision de son tir et, pour compléter sa formation, ils lui prêtent alors un pistolet...
Une autre fois, en jeep collective sur la superbe et longue piste qui monte au village de Shihara, célèbre pour son minuscule pont du 17 ème. La voiture s'arrête dans un tournant, au milieu de nulle part pour je ne sais quelle raison. Là encore, la kalachnikov n'est pas loin et c'est à moi qu'on la propose.
Je ne m'étendrai pas sur ma maladresse sans doute dûe à mon manque d'habitude ni sur mon épaule à moitié démise par le recul de l'engin.
Drôle d'aventure pour deux baroudeurs pacifiques.

ah schischi, je ne savais pas que tu t'exerçais à la kalachnikov ! 

@ deborah
Et oui mais je n'ai plus eu l'occasion de m'en servir resservir .
C'est peut- étre aussi bien!

Mon copain lui est plutôt gai,( je me demande bien pourquoi ) Il chante à tue-tête ce qui me fait sortir de ma léthargie. J'ai aussi l'impression  qu'il conduit un peu vite depuis que le moteur chauffe moins. En fait on vient de quitter le reg pour entrer dans une zone de tôle ondulée sur laquelle si on ne veut pas que la voiture entre en vibration on n'a que le choix de rouler à 20 Km/heure ou au dessus de 70 sinon c'est la casse assurée! Ouf on sort enfin du cauchemar de la tôle ondulée mais maintenant le sol est très inégal, plein de creux et de bosses avec par endroits des passages de fech-fech...On aurait dû dégonfler les pneus  ça passe mieux dans le sable mais vu qu'on n'a rien pour regonfler la seule solution c'est d'accélérer un max pour  éviter le plantage  et devoir sortir les plaques et la pelle pour désensabler..Il se présente une ornière plus profonde que les autres et  soudain on entend un grand "crac" suivi de la pétarade assourdissante du moteur.On s'arrête pour constater qu'on a perdu le pot d'échappement, brisé net à la sortie du moteur.Pas le temps de réparer par un rafistolage,on fait entrer la pièce cassée dans l'habitacle en bousculant au passage nos affaires réparties en désordre entre les 2 sièges et on se remet en route  avec maintenant le boucan du moteur sans échappement qui ne nous lâchera plus. Je ne saurais dire combien de temps nous avons encore roulé ainsi dans le noir  jusqu'à ce que je m'aperçoive qu'on ne distingue plus de traces de pneus...ce qui veut dire qu'on a quitté la piste sans s'en rendre compte! Il nous faut à tout prix retrouver les traces qui  nous ramèneront sur cette piste...Avec les pleins phares qui éclairent plus le ciel que le sol devant nous, (à cause de la charge  de tout notre barda répartie sur  l'arrière) on ne voit pas à plus de 30m! On fait donc demi tour, on roule on roule et toujours rien...aucune traces de pneus à part les nôtres qui par endroits sont  à peine visibles. Je gamberge...Suivons-nous réellement nos traces parfois  si ténues ou bien celles d'un  tout-terrain en prospection minière?Et si le vent se lève il dissipera définitivement  ces traces... En me remémorant l'histoire d'un convoi Lybien perdu dans le Tanezrouft ou le Ténéré, ainsi que celle  d'une caravane de 2000 chameaux dont on a retrouvé plus tard les cadavres momifiés mon sang ne fait qu'un tour..Au bout d'un moment qui m'a semblé une éternité nous récupérons enfin plusieurs traces...celles-ci deviennent plus nombreuses. Pas de doute nous avons enfin retrouvé la piste! Finies les C.....! On s'arrête, on sort la bâche, les duvets et on s'installe dehors pour la nuit..Je vais  chercher mon sac (que je garde tjrs près de moi) pour récupérer un tee shirt à manches longues...Tiens mais où donc est mon sac?  Nous le cherchons ensemble mais il reste introuvable! Pas de doute il n'est pas dans la voiture. C'est alors que je me souviens qu'on avait bousculé et déplacé nos affaires lorsqu'on avait fait entrer le pot d'échappement dans l'habitacle..ça ne pouvait qu'être à cet endroit que mon sac ( pas plus de 3 ou 4 kg) avait basculé hors de la voiture! Je garde toujours l'argent sur moi mais dans mon sac se trouvaient mon passeport et mon billet d'avion retour.. Cela aurait été moins grave dans d'autres circonstances..Là nous nous trouvions dans un no man's land! Nous avions quitté l'Algérie avec un tampon de sortie sur nos passeports mais n'étions pas encore rentrés au Mali et sans passeport il ne fallait pas y compter...

Aliocha a écrit:...fin juin au solstice en Islande Il doit faire jour presque H24 non?

Oui, mais on a quand même besoin de dormir un peu !

En tout cas je me régale à lire ce post...

Une aventure avec ce qu'il faut de suspens, de trouille, d'improvisation, d'émotions diverses et variées, voire de "voluptueuse béatitude"...
Et moi je me régale à te lire 

Certaines personnes ,lorsqu'elles ont des soucis dorment mal; pour ma part c'est le contraire. Sitôt couché sitôt endormi.
On dit que la nuit porte conseil. Retourner sur nos pas pour chercher le sac  n'était pas la bonne solution.En effet c'était comme chercher une aiguille dans une botte de foin.Vu la largeur de la piste, les nombreuses ornières, les rochers, les bancs de sables les chances étaient trop maigres pour qu'on  repasse au même endroit.Nous avions décidé d'un commun accord de continuer jusqu'au poste frontière malien de Tessalit et d'attendre qu'un chauffeur en route vers le Mali  rapporte le sac.En effet il n'y avait dedans aucune valeur à part quelques fringues..Nous allions nous mettre en route lorsque nous aperçûmes un camion remontant du Mali vers l'Algérie, nous lui faisons signe il s'arrête.Nous lui expliquons la situation et lui demandons de bien vouloir transmettre le message à tous les camionneurs en route pour le Mali.Nous offrions 1000 francs de récompense à qui nous apporterait le sac à Tessalit. En réponse le gars nous dit que nous avons  très peu de chance de le récupérer. La région est sillonnée par les Touaregs illettrés qui d'après  lui se débarrasseront des papiers et conserveront le sac..Nous réfléchissons à la question et finalement je prends alors la décision de revenir sur nos pas dans l'espoir de retrouver mon sac. Nous roulons une cinquantaine de km et là, pile poil devant nous dans le creux d'une ornière nous tombons sur le sac! En guise de récompense nous  avons vidé le reste de whisky que nous utilisions habituellement pour nous rincer la bouche après  la corvée de pipetage de  l'essence du fût  vers le réservoir de la 404!
Bien d'autres aventures nous attendaient...Nous avons traversé le Mali puis vendu notre 404  à des policiers Nigériens proche de la frontière Béninoise. Sans beaucoup marchander nous en avons tiré environ 5000 francs alors que nous l'avions achetée 800 francs! On avait rafistolé le pot d'échappement pour éviter les contraventions mais plus tard dans le marcouba ( zone de sable très éprouvante)on avait cassé 2 pales du ventilo du radiateur en percutant un buisson d'épineux. Avec les vibrations le dispositif d'ouverture de la portière conducteur était condamné on était obligé de passer par la portière passager!
Nous avons  poursuivi notre route en Taxi- brousse à travers le Benin en pleine révolution. Dans chaque ville on récupérait un tampon sur notre passeport( sans bakchich Il fallait   toujours attendre que l'encre sèche!!) si bien qu'une fois au Togo il n'y avait plus aucune page de libre sur mon passeport! Le point final de notre voyage était Lomé la ville de tous les plaisirs! 2 ou 3 jours de farniente dans un hotel Libanais en bord de mer où nous avons claqué tout l'argent que nous avions en restos, bars  et boites de nuit avant un retour en avion sur Paris avec Air Afrique qui nous octroyait des billets à 10% du tarif normal!

Waouhhh ça c'est l'aventuuurrrrre

Je me régale le matin sur mon balcon en Thaïlande en lisant toutes ces aventures !!!!
Incroyable !!!!
On en redemande !

Obligé qu'il reste dans ta mémoire ce voyage d'aventuriers limite inconscients (mais c'est peut-être un pléonasme non ?)

Si tu as d'autres voyages autant chargés de rebondissements et d'émotions en tous genres, tu peux nous les raconter, on se régalera à les lire !

Merci...

Ouh là ...je pourrais écrire un livre si j'avais le moindre talent pour l'écriture.

Oh moi je suis petit bras à côté de tous ces grands aventuriers !

Oh moi je suis petit bras à côté de tous ces grands aventuriers !

Absolument pas. Peu importe la grosseur des bras, ici , il est surtout questions d'émotions associées à des souvenirs heureux ou malheureux en voyage
Et, de plus,  ce que je pense vraiment: La véritable aventure est d'abord "intérieure" celle qui se passe à "l'extérieur" n'est que son support ou son pâle reflet.

Dans la liste des éléments génératifs d'émotions( liste non exhaustive) j'avais donné quelques indications.

L'origine de ces émotions ( positives comme négatives) peut être:
- un phénomène naturel : Un paysage grandiose,  un orage ,un cyclone dévastateur, un volcan en éruption , une mer déchainée, un tremblement de terre, mais aussi un beau coucher de soleil, un lieu où l'on se sent en harmonie avec les éléments, la découverte d'un site chargé d'histoire qui vous aura ému...
- Une fête joyeuse, une cérémonie religieuse surprenante, un défilé,une procession, un carnaval, des jeux ou coutumes locales étranges et fascinants.

- Une rencontre, un partage avec un ou des voyageurs comme vous ou un  habitant de la région où vous vous trouvez qui vous apporte son aide ou son soutien sans contrepartie, vous invite à prendre un verre  voire même partage avec vous un repas et vous loge chez lui...

Je relis ta liste Aliocha et je me dis que chacun d'entre nous peut écrire un livre avec tout ce qu'on peut ressentir en voyage, que celui-ci soit loin ou tout près de chez soi ! Encore faut-il savoir faire...
Alors tous ces p'tits bouts de moments posés ici c'est déjà trop bien ! Continuez, c'est un plaisir de vous lire...

on imagine bien l'ambiance, chère  @dolma 

tu n'aurais pas quelques photos du wagon ?

Pas besoin de jouer aux grands aventuriers pour ressentir des émotions Daisyone.
Un souvenir moins impressionnant et pourtant il fut fort.
Islande 1990: Après plusieurs randos (dont la classique Landmannalaugar-Skogafoss), on termine notre dernière, la plus longue qui arrive de l'est pour retrouver à nouveau Landmannalaugar. On n'a pas été prévoyant au niveau de la nourriture, on est trop juste, on est aussi épuisé après une nuit de tempête effroyable (on sera étonné d'ailleurs de voir les arceaux brisés de tous dans le camping de Reykjavik. Avec notre modèle tipi, on a eu de la chance)
Mais en arrivant à nouveau à Landmannalaugar, on refait un petit tour dans ce qui a été notre terrain de jeu 3 semaines avant et on se place sur le sommet d'une petite montagne qui nous permet une vue d'ensemble. Et là tous les 2, les larmes nous viennent devant tant de beauté. On est littéralement saisi par l'émotion devant le paysage qui s'offre à nous. Le fait d'être affamé et épuisé a certainement joué bien sur mais nous gardons tous les 2 en mémoire, encore à ce jour, cette émotion puissante devant la beauté de la nature qui nous avait saisis.

@marifb : il faut vraiment que tu mettes une photo pour qu'on puisse comprendre l'émotion qui vous a saisis.

Malheureusement c'était de l'argentique à l'époque. J'ai bien le projet de numériser tout ça un jour mais ça sera pour la retraite...

Pleurer d'émotion devant un paysage, cela m'est arriver plusieurs fois et c'est merveilleux. C'était en Antarctique, une autre planète. Et je crois que cette émotion vécue en direct ne peux pas être transmise par une image, si belle et si réussie, soit-elle.

je crois que cette émotion vécue en direct ne peux pas être transmise par une image, si belle et si réussie, soit-elle.

Complètement d'accord: je crois bien que j'avais les yeux qui piquaient un peu devant le Taj Mahal qui émergeait doucement de la brume nocturne. Pourtant j'avais déjà vu et revu les photos de sublime monument. L'émotion en voyage c'est une alchimie entre la beauté, l'histoire, l'attente, le rêve, etc...