Faut-il déposer ses photos pour protéger ses droits d'auteur ?

C'est une question qui revient de temps en temps, et qui n'a de réponse claire que si on se place dans le contexte de la "valeur" de la photo par rapport au "dol" (par le non respect du droit d'auteur).

Dans la très très grande majorité des cas, cela n'a pas d'importance, soit parce que l'auteur de la photo s'en fiche un peu, soit parce que le fait qu'une personne (physique ou morale) s'approprie la photo a peu d'importance pour l'auteur, soit encore que les montants financiers sont très faibles.

Mais dans certains cas, l'auteur a besoin de protéger ses droits parce qu'il vend ses photos, ou qu'il veut les exploiter (par exemple pour faire un livre ou une exposition) ou tout simplement se protéger pour que quelqu'un prétende que c'est sa photo et attaque en justice.

En France, lorsqu'il y a un problème de ce genre, cela peut se résoudre par un accord à l'amiable, sinon, cela se passe au tribunal civil. Dans les deux cas, ce qui compte est le régime de la preuve comme quoi on est bien l'auteur de la photo.

Dans l'arbitrage ultime par un tribunal, le président du tribunal va décider d'une part si les photos sont semblables et d'autre part qui a l'antériorité.
Cette notion d'antériorité est essentielle car il est actuellement impossible de voir sur la photo qui a pris la photo, sauf cas exceptionnel qui n'arrive jamais dans les photos de voyage.

Pour prouver l'antériorité, il y a plusieurs méthodes plus ou moins efficaces.

• la photo croppée (rognée)

Vous gardez votre original brut et vous ne publiez qu'une photo rognée. Cela peut constituer un élément de décision important pour le juge car votre adversaire pourrait éventuellement prétendre à la propriété de la photo mais le fait de montrer un oeuvre dont le photo est extraite est un élément fort.

• l'enveloppe Soleau

Méthode inventée en 1910 par le Préfet Euloge Soleau (parfois certains parlent à tort d'enveloppe "solo"), il consiste à s'envoyer par recommandé une enveloppe cachetée inviolable dans laquelle se trouve la photo ou un paquet de photo. Bien entendu, il faut que l'enveloppe reste cachetée et ne soit décachetée que par le tribunal.
Il existait des enveloppes spéciales dites "Soleau" vendues en particulier l'INPI, mais désormais, avec l'arrivée du numérique l'inpi n'accepte plus que des dépôts e-soleau. voir le fonctionnement et les coûts dans le chapitre INPI ci-dessous

• la signature électronique de documents

Répondant aux doux nom de SHA256 ou SHA512, c'est un système de calcul de clef unique d'un document numérique qui a trois caractéristiques :

1. Il est public (tout le monde peut calculer le SHA256 ou SHA512 d'un document électronique
   
2. il est unique (mathématiquement, il pourrait théoriquement être possible d'avoir un autre document électronique ayant le même SAH512, mais la probabilité est  vraiment infinitésimale, surtout que ce ficher serait aléatoire)
   
3. Il est impossible de reconstituer un fichier ayant les même SHA512 en ne partant que de cette clef
   

Ce "hash" (c'est comme ça que la fabrication de la clef s'appelle) est celui recommandé par la NSA (National Security Agency des USA) pour garantir l'originalité des documents et donc utilisées par toutes les agences des USA, dont CIA, FBI, l'armée, la Navy, etc...

Il faut toutefois faire attention et conserver le document numérique sans rien en modifier. Si ce document est un texte, changer un espace fait que le document a un SHA512 totalement différent. Faire un jpeg ou retoucher une photo donne un fichier  SHA 512 totalement différent.

Donc, si vous déposez un document électronique il faut absolument conserver ce document électronique (ce fichier) intact tel quel pour le présenter au tribunal. Celui pourra en calculer le SHA512 et le certificat que vous aurez avec le SHA512 prouvera votre antériorité de dépôt.

IMPORTANT : vous n'aurez pas une preuve d'auteur mais un preuve d'antérioté (déposant) avec une date, votre nom et une signature électronique du document)

Je résume :

1. vous envoyez ce fichier à l'organisme de dépôt (payant)
   
2. celui-ci vous renvoie un certificat de dépôt (qui n'est pas une preuve totale, il faut un certificat d'huissier de justice)
   
3. selon les services, vous êtes responsable de la conservation du fichier ou l'organisme de dépôt vous en garde une copie
   
4. En cas de nécessité, vous demandez un certificat d'huissier (payant) à l'organisme de dépôt
   
5. l'organisme de dépôt vous garantit la conservation pendant un certain temps, mais il faut éventuellement renouveler en repayant régulièrement.
   

• INPI

L'Institut National de la Propriété Intellectuelle a lancé un programme qui s'appelle esoleau.

Actuellement, le dépôt d'un document (se fait en ligne) coûte 15€ pour un fichier de 10Mo pour 5ans (prorogeable pour 10 ans de plus)
En cas de besoin (tribunal), l'INPI restitue gratuitement l'enveloppe soleau pour la présenter au tribunal (sous forme téléchargeable) jusqu'à trois fois par période de 5 ans

[url=https://www.inpi.fr/sites/default/files/D%C3%A9cision 2023-46_relative aux modalit%C3%A9s E-Soleau.pdf]esoleau INPI[/url]


• Agence de dépôt numérique

Le dépôt se fait également en ligne

On paye un dépôt 9.50€ pour 3Mo il est gardé 30 ans, il faut payer le certificat d'huissier (actuellement 41€ sous forme pdf) pour présenter au tribunal
On peut aussi acheter un volume (par ex 50€ pour 20Mo).
ATTENTION : c'est à vous de conserver le document électronique d'origine

A noter : pour économiser, on peut acheter un pack de 20M par exemple, et ne déposer que des jpeg plus petits, mais il faut faire attention : les fichiers déposés jpeg doivent êtrre cosnervés par cvou-même. Donc faire un copie du fichier notée du genre Depot-img_2536.jpg et surtout conserver et ne plus toucher les fichiers commençant par Depot-

Agence de dépot numérique


En espérant que cet article vous éclairera sur les façons économique de faire des dépôts de chez vous et même en amont de vous demander si cela vaut la peine de protéger vos oeuvres : il n'y a que vous qui puissiez décider ...

merci mais c'est vraiment réservé à ceux qui font de la photo leur profession car il y a des frais (de plus renouvelables tous les 5 ans) donc il faut que l'auteur ait une haute idée de la valeur de sa photo

deborah a écrit:

merci mais c'est vraiment réservé à ceux qui font de la photo leur profession car il y a des frais (de plus renouvelables tous les 5 ans) donc il faut que l'auteur ait une haute idée de la valeur de sa photo

Non, ce n'est pas réservé à ceux qui gagnent leur vie avec la photographie.

C'est réservé à ceux qui estiment que leurs photos ont une valeur ne serait-ce que morale et qui ne veulent pas que n'importe qui se les approprie et éventuellement gagnent de l'argent avec ou prétendent simplement qu'ils en sont les auteurs (en les proposant dans des agences de photo, en faisant des "cartes postales" sur des stands dans les salons et rencontres photo de ci de là, etc ...)

Si vous vous fichez de vos photos et que cela vous indiffère que quiconque se les approprie, alors oui, vous n'avez pas besoin de les protéger.

Concernant la durée de 5 ans, c'est la proposition de l'INPI. Moi, j'utilise depotnumérique.com et cela dure 30 ans.
Si je regarde la taille des photos, celles sur ce site en jpg font souvent 1Mo ou moins.  On peut déposer la photo de 1Mo et cela suffira pour protéger devant un tribunal qui saura bien voir que ce jpg déposé est bien le même que la version numérique de 40Mo.


Mais oui, ça a un coût.
J'ai acheté 100Mo de dépôt pour 150€. Ce qui fait que le dépôt d'une photo me coûterait 1,5€ (et encore, je suis sûr qu'on peut réduire à 0,5M par photo et qu'elles restent identifiables ce qui ramènerait un dépôt à 0,75€)
Donc, je ne dépose que très peu de photos, uniquement celles qui peuvent avoir une valeur qui sont acceptées sur les sites de vente de photo (il y en a plein et n'importe qui peut en proposer).
J'ai écrit deux livres de poèmes/chansons, dont certaines avec la partition. Il font respectivement 450k et 2,5M (celui avec les partitions). Déposer mes 2 bouquins m'a coûté en tout 4,5€

Je pense que :
• il ne faut pas dire aux gens ce qu'ils doivent ou ne doivent pas faire (c'est pareil pour les destinations de voyage)
• il ne faut pas supposer leurs motivations (même quand  on croit les connaitre)
• Par contre, il faut leur donner les éléments pour qu'ils prennent leur propre décision

Sur ce fil "techniques photos", on a des considérations techniques, et -par exemple- il y a toujours ceux qui font du raw et ceux qui ne veulent pas démordre du jpeg.
Il ne faut pas leur imposer l'un ou l'autre mais leurs expliquer les différences, les avantages et les inconvénients. Et ils décideront.
Quasiment tous les sujets ont cet aspect "avantages", "inconvénients" et "coût"...

C'est réservé à ceux qui estiment que leurs photos ont une valeur ne serait-ce que morale et qui ne veulent pas que n'importe qui se les approprie et éventuellement gagnent de l'argent avec ou prétendent simplement qu'ils en sont les auteurs

Encore faut il savoir que quelqu'un a utilisé mes photos pour faire valoir mes droits. Comment vérifier la multitude de publications écrites ou numériques ???
Les éditeurs professionnels ont des dispositifs de veille que n'a évidemment pas le simple amateur

mjp a écrit:
Encore faut il savoir que quelqu'un a utilisé mes photos pour faire valoir mes droits. Comment vérifier la multitude de publications écrites ou numériques ???
Les éditeurs professionnels ont des dispositifs de veille que n'a évidemment pas le simple amateur

Parfaitement exact.

Le principe est toujours celui du "pas vu, ps pris". La détection de copies ou plagiats a un cout énorme qui ne se justifie que pour protéger des revenus importants.
Pour la musique par exemple, la Sacem a des systèmes d'analyse de musique automatiques qui écument le web pour rechercher des oeuvres qu'ils ont au catalogue (oeuvre des artistes qui ont déposé à la Sacem). Mais ces logiciels ont un prix énorme qui ne se justifie que parce que les revenus de l'ensemble des artistes représentent un pourcentage des pubs (télé, radio) énormes. Un artitste seul meêm inscrit à la Sacem, n'a pas les moyens de le faire seul.
Et les autres musiciens ? Et bien, il n'y peuvent rien, il faut qu'ils tombent sur des plagiats de leurs oeuvres.

Par contre s'ils tombent sur des copies et qu'ils ne se sont pas protégés par un dépôt, ils courent le risque que celui qui a utilisé la chanson l'ait déposé lui, et peuvent même se voir condamner à payer celui qui a copié parce que celui-ci aura fait le dépôt avec antériorité.

De nouveau, il ne s'agit pas d'avoir gratuitement un outil pour tout faire (détecter et se protéger des copies malhonnêtes), mais de savoir quelles sont les règles et prendre une décision de se protéger ou pas.

Un dépôt ne sert qu'à prouver une ANTÉRIORITÉ. Le dépôt ne dit pas que vous êtes l'auteur mais que vous êtes le premier (la date du dépôt faisant foi) à déposer cette oeuvre.

Une nouvelle fois, avec cet article, je ne cherche pas à vous dire qu'il faut déposer, mais vous indique ce que vous pourriez faire (avant le web et les signatures électroniques), le dépôt était un vrai parcours du combattant. Mais je me suis fait une fois piquer une pièce de théatre que j'avais proposé tous azimuts (évidement ... sinon, elle n'aurait jamais été jouée par personne) , et comme je ne l'avais pas déposé, j'en ai été dépossédé par un mec malhonnête. Mais j'avais été découragé par les procédures papier de la SACD.
et je ne l'avais pas vu, c'est un copain qui m'a dit "tiens tu as pu vendre ta pièce ?" ... Désagréable...

Bonjour,
Est-ce que le RAW n'est pas aussi une forme de protection? 
- Le fichier RAW n'est jamais publié, donc vous êtes le seul à le posséder.
- A partir du RAW on peut reproduire le JPEG, mais l'inverse n'est pas vrai.
- Le fichier RAW est pratiquement infalsifiable (du moins à ma connaissance). 
- Pratiquement tous les photographe professionnels travaillent en RAW.
Le fichier RAW peut donc servir à prouver de façon irréfutable que vous êtes bien l'auteur d'une photo publiée en JPEG.
Quel est votre avis?

Il existe aussi des filigranes invisibles complètement indétectable et avec lesquels on peut signer ses photos.
Il est très facile en cas de litige de prouver que le filigrane est bien présent sur la photo copiée.

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le fichier RAW : Par définition, s'il n'est pas publié , il ne peut être copié, non?
Mais, si vous publiez le jpeg correspondant, celui ci peut l'être.

Aggir a écrit:le fichier RAW : Par définition, s'il n'est pas publié , il ne peut être copié, non?
Mais, si vous publiez le jpeg correspondant, celui ci peut l'être.

Oui tout à fait. Le but est de prouver que vous êtes l'auteur si la photo est utilisée pour un usage commercial à l'insu de votre plein grè.
Maintenant la seule façon d'être sûr de ne pas être copier, c'est de ne rien publier du tout  [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image].