La Pologne juste après la chute du rideau de fer

Alors voilà... je suis d'origine polonaise, et en juillet 1992, 2 ans et demi après la chute du Mur de Berlin et du Rideau de Fer, nous sommes allés saluer la famille là-bas, avec notre vieux combi VW.
Une expédition!
Je vous fais donc un petit résumé qui fleure bon la Pologne d'autrefois, encore marquée par la période communiste, mais qui s'acheminait vers un peu de modernité...

Nous commencerons par une visite à Poznan, qui était uniformément grise... Le gris m'a vraiment semblé être la couleur la plus répandue dans l'ère communiste des pays de l'Est...


Aujourd'hui, elle a gagné un peu de couleurs, si j'en crois cette photo du net en utilisation gratuite.


Image par Andżelina Hanke de Pixabay

Le "food truck" de 1992 était alimenté au charbon et proposait des saucisses grillées (et rien que des saucisses grillées)



Les campings, on les a cherchés, sans les trouver. Restaient les "bivouacs" sans sanitaires, mais avec l'eau courante!



Et il y avait même une boutique, euh... une caravane , qui vendait... ce qui est noté sur l'écriteau: à savoir: des plats chauds, de la glace, et ce qui n'était pas écrit: de la bière... chaude aussi! On ne s'attendait pas à crever de chaud dans la région des lacs Mazures, mais si! C'est ça, le climat continental!



Nous sommes allés à Gdansk, où les fameux chantiers navals venaient de fermer. Je pense qu'aujourd'hui, c'est un musée. Du moins, ils sont classés comme patrimoine culturel.



Dans les rues, nous avons eu la surprise de croiser des véhicules qui nous rappelaient furieusement les voitures des années 60 ou 70 en France...



Ainsi que quelques Trabant



Et même des véhicules rappelant furieusement les années d'avant guerre...



Pour finir, voici quelques boutiques et grands magasins typiques de l'époque:
Le grand magasin , sans doute de période soviétique, car ... gris , et vide:



Les boutiques qui proposent un nombre affolant d'articles, car les Polonais étaient avides de découvrir les produits auxquels ils n'avaient pas droit jusque là.



Ma famille polonaise avait ainsi plusieurs paquets de lessive (marques occidentales) et ils testaient chacune d'entre elle pour voir laquelle lavait plus blanc.



Mon cousin ne comprenait pas pourquoi notre chien (gardien du combi) n'était pas nourri avec une célèbre pâtée en boîte occidentale, puisque la "réclame" disait que c'était une nourriture parfaite, équilibrée et tout et tout... Nous lui avons donc expliqué le concept de "publicité"...

Voilà... Tout ça a bien changé, et très rapidement! j'y suis retournée en 2005, et je n'ai plus rien vu de tout ça, et mon cousin roulait en voiture japonaise...
Le grand virage!
Je m'excuse pour la mauvaise qualité des photos, je faisais des diapos à l'époque, et j'ai du les récupérer numériquement. Résultat très moyen, mais c'est le témoignage d'une époque où le pays basculait d'un système économique dans un autre...

Bonjour,

Je ne suis jamais allée dans les pays de l'Est avant 1989, j'ai par contre un souvenir très vif des Trabant que j'ai vues pour la première fois sur les autoroutes italiennes à l'été 1990, et j'étais très heureuse, et émues, de penser qu'enfin ils allaient pouvoir venir découvrir des endroits dont ,pour nous, l'accès était une évidence de toujours. L'été passé, en ex RDA j'ai vu des Trabant, et ce n'était pas pour promener les touristes, à Zwickau.

J'ai vu des charrettes attelées sur les routes irlandaises en 1978, et ce n'était pas pour le folklore

En 2016 nous avons fait un grand tour dans les pays Baltes, en fourgon aménagé. Si les grandes villes sont à l'aune des nôtres ( et les routes principales grâce à l'Europe), j'ai vu beaucoup de petits villages très décrépits, dont on a l'impression qu'ils n'ont reçu aucun entretien depuis non seulement 1989, mais 1945. Mais souvent il y a une voiture rutilante devant .

Bonjour

ton récit rétro me ravit, car la Pologne est l'un des pays que j'ai le plus visités à l'époque communiste, mon premier voyage y date de l'été 1980, les grandes grèves, Solidarnosc, l'effervescence des manifestations... et puis ensuite j'y suis retournée de nombreuses fois après le coup d'état de Jaruzelski en 1981... pour aider les prisionniers politiques, apporter du matériel, transmettre l'info au bureau de Solidarnosc à Paris, j'étais assez engagée et presque agent secret on porurait dire, même si j'étais extrêmement jeune et je n'ai pas compris toujours les enjeux...

En tous cas le visuel des devantures de magasins, des villes, c'était exactement ainsi. Hélas je n'ai aucune photo de l'époque, je voyagais sans aucun appareil ni document (tout devait être appris par coeur) au cas où je serais repérée par la police politique...

J'ai un excellent souvenir de ces années, même si il y avait des queues kilométriques devant les magasins, on devait se lever à 5h du matin pour faire la queue et espérer attraper une miche de pain ou un litre de lait. A force, dès que je voyais une queue je m'y mettais, et seulement après je demandais "au fait, on vend quoi ici ?". Si c'était du PQ c'était évidemment une grande joie même si on l'obtenait après 2h d'attente...

A propos quelle est la ville aux immeubles colorés sur ta première photo ?

Amicalement
Deborah

Bonjour
Je n'ai jamai envisagé d'aller en Pologne avant que le pays ne s'ouvre, mes parents ayant trop peur qu'on ne nous laisse pas repartir, au vu des récits qu'on nous avait faits!
C'est la venue en France d'un arrière-petit cousin aventurier qui a changé la donne. Il nous a invités sur le lieu de ses études: Prague, et dans sa famille en Pologne. Famille qui est aussi la nôtre, et qu'on ne connaissait que par voie épistolaire depuis 1920! Plus de 60 ans...
Pour la première ville , c'est Poznan, je l'avais indiqué. La photo colorée n'est pas de moi en 92 , elle vient du net. J'ai mentionné la source en dessous.
Ah oui, les Trabant... j'en avais vu beaucoup plus à Prague et autour de Berlin qu'en Pologne. Le bruit du moteur est vraiment caractéristique !

Bonjour
bizarrement et alors que j'étais en "mission" au début des années 1980, je n'ai jamais eu d'ennuis et pourtant ce que je faisais était strictement interdit. On logeait dans les montagnes chez les paysans, on était transféré d'un endroit à l'autre sans savoir, c'était l'aventure... on rencontrait des gens dont on ne devait pas connaitre le nom, qui nous transmettaient des infos à ramener en France (tout devait être appris par coeur, y compris des listes de noms de prisonniers politiques et les besoins de leur famille).

A vrai dire j'étais peut être inconsciente mais je n'ai jamais eu peur ni jamais eu d'ennuis. C'était assez passionnant au contraire de voir comment les gens vivaient, quelles étaient leurs espérances, leur combat (ces années étaient assez noires, il y avait peu d'espoir mais je constatais qu'ils se battaient pour leur liberté, c'était impressionnant vu de notre petit confort occidental...).

Par ailleurs j'ai toujours eu une vision assez nuancée du communisme, parce que certaines choses marchaient assez bien et que les années d'après le communisme ont vu bien pire (ex: la situation des retraités, l'absence de chomage, la protection sociale des plus démunis, etc)... au prix de la privation de liberté évidemment. 

En tous cas tes photos sont un vrai voyage dans le temps

De mon côté, les rares membres de la famille qui pouvaient venir nous faisaient des récits horrifiques de leurs conditions de vie. Ça ne donnait pas envie...
Et nos parents avaient des exemples de personnes reparties en Pologne et qui y sont restées sans possibilité de retour quand le rideau de fer est tombé. Ça aurait été un drame familial si j'avais voulu y aller.
Plus le fait sur ce moment-là, je n'avais pas l'esprit d'aventure!
Mon petit-cousin a été horrifié d'apprendre qu'il existait un Parti Communiste en France! Il me disait " Mais comment est-ce possible que des FRANCAIS soient communistes? Ils ne savent pas ce que c'est!" Et il a acheté une carte montrant Staline sous les traits d'un diable assassin, en me demandant expressément de l'envoyer en son nom à mes amis français communistes!
Comme quoi, chacun a sa vision des choses.
Je suis finalement allée 2 fois en Pologne et 4 fois en République Tchèque. J'ai un peu honte, vu mes origines, mais j'ai préféré la république Tchèque à la Pologne!

Les Polonais (les Tchèques et autres citoyens de pays de l'Est) à l'époque se faisaient une image rose de l'occident, représenté pour eux par les paquets de Marlborough et les barils de lessive de grandes marques. 

En réalité, mis à part qu'ils ne pouvaient pas acheter d'oranges ou de bananes, je crois que notre mode de vie n'était pas si différent du notre. Mais il y avait la privation de liberté, l'absence de démocratie et l'impossibilité de voyager à l'ouest, qui ont été les éléments déterminants pour la chute du communisme.
Notamment quand on regarde des photos des années 1960 ou 1970, aujourd'hui j'y vois plutot des photos d"époque, à l'ouest comme à l'est, avec des points communs sur ces années là (la coupe de cheveux, les musiques écoutées, le style de vie...).

Mais ces pays ont bien avancé depuis et la prosperité et la liberté politique ont changé bien des choses. J'ai beaucoup voyagé dans ces pays, avant et après la chute du rideau de fer. Le pays où j'ai le plus voyagé est la Pologne, mais aussi la Roumanie, la Tchécoslovaquie, la Hongrie...

Merci pour ce témoignage.

Le Monde du 1er Avril (!) nous apprenait le retour de l'humour noir soviétique en Russie.
En voici deux exemples :

« Afin de se mettre en conformité avec les exigences de Roskomnador (le gendarme des communications) le livre de Tolstoï Guerre et Paix a été renommé Opération spéciale et haute trahison »

« Moscou a proposé à Kiev d'organiser une rencontre entre Poutine et Zelensky. Les travaux pour la construction de la table ont déjà commencé »


Et de plus anciens, d'époque :

Comment faire doubler la valeur de sa Lada? En faisant le plein d’essence.

Pourquoi peut-on dire que la Tchécoslovaquie est le plus grand des pays ?
Parce que les Soviétiques sont restés dans le pays pendant 50 ans avant de trouver la sortie.

Un touriste occidental, sûr de sa supériorité, à un citoyen soviétique : « Nous en Occident, nous avons le droit de critiquer notre gouvernement. »
Le soviétique, surveillant du coin de l’œil le mouchard de service : « Et alors ? Nous aussi, nous avons le droit de critiquer votre gouvernement ! »

Qu’est-ce qu'un quatuor à cordes soviétique ? Un orchestre symphonique soviétique de retour d’une tournée à l’Ouest.

Humour noir, mais bien vu.
"Guerre et paix", mon préféré, hélas!

Je dois dire que la visite du musée de la DDR à Berlin, et celui de la Stasi à Leipzig m'ont encouragée à trouver qu'être née à l'Ouest était quand même pas si mal.

A Deborah: tu dis que les habitants des pays de l'est se faisaient une image rose de l'occident.
Je suis d'accord, au vu des réactions des Polonais , parents d'amis, et qui ont eu, sur la fin, la possibilité de venir en France , il me semble bien sur invitation.
Les emmener dans un hypermarché était une expérience tout à fait incroyable. Ils disaient " Prends vite tout! Après, il n'y en aura plus!" . Et c'était difficile à admettre pour eux qu'on remplissait au fur et à mesure les rayons qui se vidaient.
Mon cousin ( enfin, arriere-petit-cousin, mais j'utilise un raccourci) nous a expliqué qu'à l'école, la propagande leur disait qu'â l'ouest, les ouvriers étaient extrêmement malheureux, que leurs patrons les battaient tous les jours, qu'ils mouraient de faim, etc. Bref, c'était des esclaves. Il a été surpris d'apprendre qu'avec le Front Populaire, il y a eu des lois sociales, et apres 45 aussi. Congés payés, sécurité sociale, conventions collectives, SMIG et SMIC..etc. Une découverte pour lui.
En revanche, en parlant de faire la queue pour les achats , il était révolté, car quand il était enfant, comme sa mère le gardait, lui et son frère, c'est sa grand-mère qui allait commencer la queue dès 5 h du matin dans l'espoir d'avoir 1 bouteille de lait pour ses petits-enfants, et cela, même quand l'hiver était très rigoureux. Il était révolté pour sa grand mère, et résolument contre le régime en place.

@LUcky: excellentes, les blagues du Monde 

j'en rajoute une :

Suite à la chute du rideau de fer, un Polonais se lamente:
"A l'époque communiste, on n'avait pas le droit de critiquer le gouvernement, sous peine d'être mis en prison.
Maintenant qu'on est en régime capitaliste, on a le droit de critiquer le gouvernement ouvertement, de sortir avec des pancartes contre le président etc. Mais nouveau problème: tout le monde s'en f... !  " 

@Vézèra du Périgord : A l'époque communiste tout le monde était contre le communisme en Pologne. Après la chute du communisme, j'ai vu pas mal de petits vieux regretter la "komuna" parce que leurs retraites avaient fondu.

Oui, c'est vrai. Les "anciens" sont perdants. De même, certains regrettent aussi l'accès gratuit à la culture, aux études longues... Aucun système économique n'est parfait. En revanche , la limitation des libertés , c'est inadmissible.

Bonjour,
Non seulement  je parcours le monde, plus précisément l'Asie à l'heure actuelle,  mais dans chaque pays que je tente de visiter j’aime interviewer les gens que je rencontre de façon à mieux les connaître au sein de leur pays.
Cette fois ci j'envisage de me rendre en Pologne que j'ai toujours d'ailleurs eu envie de visiter car j'y avais des amis dont malheureusement j'ai perdu les coordonnées.
Vu votre message vous avez encore de la famille là-bas. Serait il possible de les rencontrer ? L'anglais à défaut du français pourrait être notre langue d'échange. Je ne disposerai que de 8 jours et ils pourraient ainsi m'aider à les utiliser au mieux.
Merci infiniment par avance.
Bien cordialement

tu n'auras aucun mal à trouver des gens à qui parler, dans la rue, à Varsovie, Cracovie, les  terrasses sont remplies, les gens sont ouverts au dialogue

Et à part les Polonais, tu entendras des Ukrainiens partout aussi, il y a 3 millions d'UKrainiens en Pologne en ce moment...

Bonsoir
Ma famille de Pologne: les "anciens" sont décédés, depuis 1992. Les"jeunes" se sont dispersés. Le seul avec qui j'ai parfois des contacts habite en rep tchèque...
Comme le dit Deborah, pas besoin d'une "recommandation" , surtout demandée à une personne qui ne te connaît pas du tout.
Tu pourras engager la conversation facilement avec les gens au fil de ton voyage.
Bon séjour en Pologne.

Bonjour,

Pour rebondir sur les dires de Déborah et être allé à Varsovie 3 semaines en août 2021, les Polonais sont effectivement extrêmement ouverts au dialogue et très curieux sur notre culture également. Echange très intéressants.

@deborah je ne crois pas qu'on t'ait répondu
La première ville c'est Poznan et son Rynek

Une des places les plus belles et colorées que j'ai vu dans ma vie

Je suis allée plusieurs fois à Pologne. Le centre de Cracovie est plutôt repeint. Les faubourgs c'est moyen.

A Wroclaw y a de tout mais le Rynek est coloré et magnifique

Poznan a retrouvé de ses couleurs.

Quant à Gdansk il y a toujours des travaux en cours.

J'y suis allée en 2015 et encore des rues aux bâtiments gris.

En 2020 tout dans le centre était pimpant. Avec parfois des fresques modernes

Par contre ailleurs on voit bien la différence.

Si ça intéresse certains d'avoir les photos y en a plein sur mon blog (désolée trop long de remettre une par une)

https://www.lasourisglobe-trotteuse.fr/poznan/
https://www.lasourisglobe-trotteuse.fr/wroclaw/
https://www.lasourisglobe-trotteuse.fr/gdansk/

Deborah avait sans doute mal lu, car j'avais bien écrit dès le début que la première photo avait été prise à Poznan.
As-tu vu que juste au dessus de cette photo, j'avais noté : " Nous commencerons par une visite à Poznan, qui était uniformément grise."
Je suis heureuse de constater qu'elle a retrouvé des couleurs.

je me souviens aussi que toutes les villes étaient grises, malgré le fait que les maisons sont traditionnellement peintes en couleur.

C'était le charbon, qui déposait une suie noire sur tous les batiments, et dont on sentait l'odeur très forte, notamment en Silésie, régions des mines...

Aujourd'hui bien sûr tout cela a disparu... et les maisons sont à nouveau peintes de couleurs vives

En rep tchèque , cela sentait autre chose: la lignite.
Étant originaire du bassin minier du Nord-Pas de Calais , pour moi l'odeur était trés différente de celle des fumées de poêles à charbon que j'avais toujours connus.
Il y avait de vastes gisements de lignite en Bohême du Nord, et ce combustible est bien plus polluant que le charbon.
D'ailleurs, de l'autre côté de la frontière, à proximité de la rep tchèque, en Pologne, il y a également des mines de lignite.

Ah je ne saurais dire si c'était du charbon ou de la lignite, mais il y avait une odeur tenace dans toutes les villes de Silésie et aussi de Bohème comme par ex. Plzeň / Pilsen. Et les maisons noires de suie... cela dégageait une grande tristesse...

A Plzen, c'était de la lignite. C'est là que ça m'a le plus interpelée car c'est une odeur que je ne connaissait pas dans la région minière d'où je viens.
En Silésie ce devait être du charbon, je pense.