Promenades cotentines

par dolma Dim 20 Mar 2022 - 9:00

Un chemin et la caresse du vent… J’allais mettre mes pas dans mes mots… Quelques jours sous le soleil de mai à aller de baies en falaises, de prairies en villages et de vallons en ports.

Je n’ai jamais oublié les joutes verbales entre le prof et la lycéenne : aux charmes de son village et de sa région qu’il me vantait je répliquais en louant la douceur exquise des rives du Léman… Des années plus tard je me baladerais dans son « pays »… Enfin dans un tout petit morceau de son pays, celui qui se trouve tout en haut, sur la gauche, quand on regarde la carte du Cotentin.

Carteret. son village de bord de mer, maisons bourgeoises d’une autre époque aux murs gris clair qui grimpent sur les collines, une rue étroite bordée de quelques boutiques entre le port de plaisance et le port de pêche. Tout au bout, la plage, des dunes et des rochers et une alignée de cabanes blanches et bleues qui se font faire une beauté pour les jours d’été. Ce matin-là la mer est basse, partie je ne sais où tant on ne voit plus qu’un horizon immense de sable boueux et de roches verdâtres.

Il est temps de partir.

La route des caps longe la côte, serpente entre les collines, se faufile dans les villages et côtoie une multitude de chemins, invitations évidentes aux promenades.. aux promenades dans le vent. Il est partout, tendre et violent, il bouscule, il caresse, il chahute, il joue.. Il ne vous lâche pas un seul instant. Sur le haut des falaises il glisse sur la lande, dans le creux des chemins il siffle entre les talus, sur le bord des dunes il fouette le sable.

Le sentier des douaniers s’en va vers le cap de la Hague… Quelques heures à me laisser emmener vers la pointe de Rozel, l’anse de Sciotot puis le cap de Flamanville et son port Diélette. Se prélasser, flâner, perdre son regard loin, si loin sur la mer, se laisser envahir par les senteurs portées par le vent qui jamais ne cesse de tourbillonner à vous en faire chavirer puis cheminer à nouveau vers l’anse de Vauville, continuer encore vers le Nez de Jobourg, la baie d’Elcagrain…

Des falaises abruptes et déchiquetées couvertes de lande, de bruyères et d’ajoncs fleuris, kaléidoscope géant aux jaunes, mauves, blancs, bleus, rouges et verts qui passent en un clin d’œil de l’éclatant au sombre quand le soleil et les nuages se font la cour, de longues plages au sable blanc silencieuses et tranquilles, de minuscules criques en galets qui prennent un malin plaisir à se cacher pour mieux se laisser découvrir.

Et puis le bocage aux murs en cailloux et aux fleurs multicolores. Quelques moutons indifférents, des vaches nonchalantes, des chèvres curieuses, un tracteur chargé de paille qui cahote sur le chemin poussiéreux…
« On se croirait en Irlande » disent parfois les gens. Je ne sais pas, je ne connais pas l’Irlande et puis je déteste comparer, alors, comme toujours, je profite simplement de là où je suis en laissant vagabonder mes sens au rythme de mes pas.

Les villages ont un charme fou. Ruelles étroites et tortueuses, vieilles et solides maisons entourées d’hortensias immenses. Ce sont peut-être les premiers rayons de ce soleil printanier qui font dormir les chats et les chiens dans l’ombre bienvenue ? Il règne ici une atmosphère paisible qui me fait penser qu’il doit être bon s’y poser.

Voici Goury et son phare de bout du monde. Rochers aux rouges bruns et aux roses pâles cisaillés par des vagues qui étincellent dans le soleil et qui éclaboussent dans le vent et puis un peu plus loin Port Racine, « le plus petit port de France » parait-il : une dizaine de barques, minuscules, colorées et joyeuses qui dansent dans les bourrasques, quelques maisons blanches blotties les unes contre les autres comme pour mieux résister à l’assaut des embruns dans l’unique petite rue et tout au bout un café à la porte qui grince et carillonne où il fait bon se réchauffer quand le vent et la pluie sont venus à bout de votre témérité !

Je ne sais pas vous dire où il faut regarder, je ne sais pas vous dire où il faut marcher, où il faut s’arrêter, je ne sais pas vous dire le nom des roches, le nom des fleurs, je ne sais pas vous dire quelle est cette ile au loin, quelle est cette plage tout près, de quelle époque est l’église de ce village, je ne sais même pas vous dire où manger des plats savoureux. Je ne sais pas parler des falaises du Nez de Jobourg qui sont parmi les plus hautes d’Europe, du somptueux panorama de la baie d’Elcagrain, ou bien encore de l’anse de Vauville à l’immense plage aux courbes alanguies, des minuscules villages aux noms en ille qui s’abritent dans les vallons ou se prélassent au bord des dunes : Biville, Vauville, Herqueville…

C’est que je ne suis pas guide ! Juste une promeneuse qui aimerait vous donner l’envie de partir découvrir la beauté sauvage de ce tout petit bout de terre de Normandie, que le soleil, les nuages et le vent vous raconteraient bien mieux que moi.

par mjp Dim 20 Mar 2022 - 22:45

Merci @dolma pour cette superbe invitation à la découverte de cet endroit de rêve
J'en ai profité pour revisiter mes archives photographiques et ne résiste pas au plaisir d'en poster quelques unes pour illustrer le propos

Goury

Baie d'Ecalgrain

Port Racine

par Hannah Dim 20 Mar 2022 - 23:20

…… « C’est que je ne suis pas guide ! Juste une promeneuse qui aimerait vous donner l’envie de partir découvrir la beauté sauvage de ce tout petit bout de terre de Normandie, que le soleil, les nuages et le vent vous raconteraient bien mieux que moi »

Tout est dit , merci pour cette invitation au voyage en Cotentin , cette invitation à tous les voyages .

par dolma Lun 21 Mar 2022 - 9:21

Merci pour vos p'tits mots mjp et Hannah et merci aussi pour ces photos qui montrent ce petit coin de Cotentin à la si belle lumière Smile

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par Lucbertrand Lun 28 Mar 2022 - 21:26

Bonsoir Dolma, comme toujours ta plume alerte et expressive me transporte. Je suis un homme de l'est, plutôt en réalité des bordures montagneuses car j'ai aussi, outre l'est de la France de haut en bas, habité Toulouse, Bordeaux Marignac et Cazeaux, d'où mon amour des Pyrénées.

Cependant, ta région du bout du monde j'y suis allé à quelques occasions. J'ai arpenté, seul pour me retrouver, le chemin des douaniers durant une semaine par un GR dont le numéro m'échappe. Tes comparaisons me remémorent un passé révolu. Les landes, les grandes falaises et les petits ports me parlent qu'ils soient d'ici ou de très loin.
.
Bien que ton récit, d'après ce que je comprends, semble se limiter à une partie du Cotentin, je me souviens d'une visite sur les plages du débarquement. Il s'agit encore, pour pas grand chose, du Cotentin.

Je fus terriblement boulversé par la découverte de ce lieu. Les boursouflures de sable de quelques dizaines de centimètres derrière lesquelles les JI, derniers survivants après avoir traversé quelques dizaines de mètres de plage à découvert, voire un peu plus, se tapissaient pour échapper au hachoir des mitrailleuses allemandes.

Les cimetières des combattants allemands et US à proximité du lieu, aux croix de granit sombres et austères pour les Allemands, blanches et uniformes, presque chargées d'espérance pour les Américains. L'âge des soldats tombés, plutôt 18 ans pour les Allemands et 23 pour les Américains. Cette réalité m'a arraché des larmes, même pas l'âge de mes enfants.

Forcément, ces plages tu les connais et tu les as arpentées, plongée dans tes pensée face aux drames de l'histoire. Je rêve que tu nous livres tes pensées et réflexions, alors que tu t'y trouvais, avec ta sensibilité et ton expression libre, vagabonde et tellement éloquente tout en rondeur.

Luc

par dolma Mar 29 Mar 2022 - 10:52

Merci Luc pour tes mots bienveillants à l'égard de mon écriture !

Oui je connais effectivement l'autre Cotentin. Et oui bien sûr que mes "pensées et réflexions" comme tu dis sont écrites mais de là à les poser ici...

Cette côte si sombre par l'histoire terrifiante qu'elle raconte mais aussi parfois si lumineuse lorsqu'elle veut signifier "plus jamais ça".
Ces quelques fleurs qui s'accrochent aux barbelés et ces oiseaux qui s'égosillent en virevoltant gaiement au-dessus des blockhaus voudraient certainement non pas nous faire oublier mais nous faire espérer...

par Lucky - banni Mar 29 Mar 2022 - 18:00

Au printemps prochain tu te rendras à Odessa. Coiffée d'un petit casque bleu tu sèmeras des fleurs au pied des barbelés et d'une baguette comme tu as la plume tu dirigeras les oiseaux posés là comme sur une portée.

par Hiacinthe Mar 29 Mar 2022 - 19:08

Bonsoir Dolma,

Tu as magnifiquement décrit les chemins du Cotentin sur lesquels tu t'es promenée : le vent, le bocage aux murs en cailloux et fleurs multicolores, les falaises abruptes et déchiquetées couvertes de lande, de bruyères, d'ajoncs fleuris... les villages au charme fou, les immenses plages...

Comme toi, je ne connais pas l'Irlande. J'ai trouvé que les paysages du Cotentin ressemblaient à ceux des Côtes d'Armor.

Quand nous étions à Portbail, nous nous sommes régalés en nous promenant sur la grande plage au coucher du soleil. Chaque soir, le plaisir était renouvelé. Les teintes changeaient de minute en minute, les nuages se reflétaient sur le sable mouillé. C'était splendide. C'est à Portbail que nous avons photographié nos plus beaux couchers de soleil sunny

par dolma Jeu 31 Mar 2022 - 9:45

@Lucky Bonjour Vous...

Pendant que la guerre fait mourir, l'espoir fait vivre (dit-on)
Alors...

par dolma Jeu 31 Mar 2022 - 9:50

@Hiacinthe

Merci d'être passée par ici Smile

C'est vrai que ce petit coin de France est tout à fait charmant !

par Catherine30 Jeu 31 Mar 2022 - 14:12

Un petit coin de France que je rêve encore plus de découvrir maintenant, après ces si jolis mots... et ces aimables interventions.

par dolma Ven 1 Avr 2022 - 9:38

Oui oui va faire un p'tit tour dans ce Cotentin, il y a tant à découvrir Smile

Merci d'être passée par là...

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