Kamel Daoud, Prix Goncourt 2024

Bravo pour ce prix ! 


Ce n'est pas le seul livre interdit en Algérie hélas, 

https://www.algerie360.com/l-algerie-juive-exclut-des-evenements-litteraires-une-interdiction-qui-fait-debat/


La présentation du récent livre "L'Algérie juive"  de Hedia Bensalhi, qui retrace 1000 ans de patrimoine juif et amazigh en Algérie, a également été interdite !

Autres sons de cloche, pour ceux que cela peut intéresser :

Kamel Daoud, le fabulateur et les classes décadentes
Si nous prenons le temps de rédiger une note sur un écrivain, Kamel Daoud, qui ne mérite pas tout le tapage qui est actuellement fait, c’est pour pointer du doigt le grand mensonge qu’il met en avant, s’agissant de son dernier ouvrage : l’interdiction d’écrire sur la décennie noire, cette décennie de violence terroriste qui a profondément meurtri l’Algérie. C'est une fabulation.
"Houris" de Kamel Daoud ou… écrire sa catabase
Ce troisième roman de K. Daoud a de la difficulté à atteindre le statut d’œuvre littéraire majeure. Ce troisième opus aura certainement des prix mais sans doute pas pour des raisons littéraires.
Oui, le Goncourt... Très politique ?

A lire, cependant, et à chacun de se faire une opinion !

Quant à moi, je n'ai pas vraiment apprécié son "Meursault contre-enquête", lu juste après avoir relu "L'Etranger", histoire de mieux comprendre la démarche. Bof...
Entre Kamal Daoud et Boualem Sansal (2084 : la fin du monde), "yapafoto". Ils ne jouent pas dans la même cour.

Autre article, de Karim Boukhari, à propos de Kamel Daoud...
Arabe de service, dites-vous?
Le succès attire la haine, la rancœur. On parle facilement de trahison. Pourquoi donc? Parce que l’auteur expose la maladie de nos sociétés aux yeux des «Autres», il «Nous» fait mal en leur faisant plaisir à «Eux».

BBC. L'Algérie silencieuse après le prix Goncourt qui récompense un livre sur la guerre civile
En Algérie, il est un personnage qui divise. Ses ennemis le considèrent comme un traître qui a vendu son âme à la France, tandis que d'autres le reconnaissent comme un génie littéraire dont le pays devrait être fier.

Une référence à l’article 46 de la charte sur la réconciliation algérienne

Je lis (Le Monde Afrique du 20/11) que les plaintes ne portent pas que sur la violation de la loi sur la réconciliation nationale mais aussi sur celle du secret médical. 
L'épouse de l'auteur aurait soigné une adolescente dont le personnage se retrouve comme personnage central de son roman

marabamu a écrit:Je lis (Le Monde Afrique du 20/11) que les plaintes ne portent pas que sur la violation de la loi sur la réconciliation nationale mais aussi sur celle du secret médical.

En effet, mais là où ça sent le faisandé, c'est ici :

deux plaintes ont été déposées à Oran, contre Kamel Daoud et la psychiatre Aïcha Dahdouh, au nom de Saâda Arbane et de l’Organisation nationale des victimes du terrorisme, dès le mois d’août, soit « quelques jours après la parution du livre ». A en croire l’avocate, citée dans une déclaration à l’Agence France-Presse (AFP), les plaignants n’auraient « pas voulu en parler, afin qu’il ne soit pas dit qu’[ils] voul[aient] perturber la nomination de l’auteur pour le prix » Goncourt, attribué en novembre.

Qu'il n'ait pas le Goncourt était en effet un gros manque à gagner potentiel pour les plaignants...

c'est de pire en pire...

L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, 75 ans, a été arrêté samedi 16 novembre à son arrivée à l’aéroport d’Alger en provenance de Paris, assurent plusieurs sources au Monde. 


Il aurait été interpellé par des membres de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) algérienne et devrait être présenté incessamment devant le procureur de la République, rapportent les mêmes sources. 


Les éditions Gallimard, son éditeur, se disent « très inquiètes », M. Sansal n’ayant pas donné de nouvelles et demeurant injoignable depuis plusieurs jours.

L’écrivain Boualem Sansal disparu depuis six jours en Algérie, ce que l’on sait
L’écrivain franco-algérien Kamel Daoud, prix Goncourt 2024 pour « Houris », a réagi à la disparition de Boualem Sansal dans une tribune publiée jeudi soir dans Le Figaro. « J’espère vivement que mon ami Boualem reviendra parmi nous très bientôt », a-t-il écrit, tout en confiant son incompréhension face à l’« imprudence » dont aurait fait preuve, selon lui, Boualem Sansal en se rendant en Algérie.
Et un avertissement sans frais pour lui-même...

Boualem Sansal, écrivain à la liberté d’esprit audacieuse, porté disparu en Algérie


Evidemment, vu d'Alger, ça fait désordre...

Boualem Sansal arrêté : l’Algérie confirme et accuse la France «macronito-sioniste»
JDD L’agence de presse d’Algérie a confirmé, vendredi 22 novembre, que Boualem Sansal a été arrêté par les autorités algériennes, dénonçant au passage le soutien de la classe politique française à l’écrivain.

Arrestation de Boualem Sansal : Algérie Presse Service fustige la « France macronito-sioniste »
Le Point Dans un article virulent contre la France, l’agence de presse algérienne a confirmé vendredi l’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal, très critique envers le pouvoir algérien.

Kamel Daoud, Boualem Sansal : la dictature algérienne lâche les chiens contre ses esprits libres
L'article est incomplet mais le ton est donné...
L’arrestation de Boualem Sansal et la cabale contre Kamel Daoud dissimulent une attaque en règle d’Alger contre la France.
L'écrivain franco-algérien Boualem Sansal ne donnait plus de nouvelles depuis quelques jours. On apprend désormais son arrestation par la dictature algérienne. Loin d'être fortuit, ce rapt digne de l'ère des pirates barbaresques est concomitant au harcèlement judiciaire dont Kamel Daoud et sa famille font l'objet.

Et une belle chronique d'Estrosi (7achakoum!) dans le Point
L'arrestation de Boualem Sansal interroge notre propre détermination à lutter contre le fanatisme
Boualem Sansal n'a cessé depuis plus de 20 ans de combattre l'intégrisme. Il incarne des vertus rares : la bravoure, la sincérité, le panache, jusqu'à risquer sa vie. Il incarne aussi pour l'Algérie la promesse d'un autre avenir, loin des lourds héritages du fanatisme et de l'intolérance. Ce beau et grand pays mérite mieux.
Il incarne enfin un dépassement : son refus de limiter le lien entre l'Algérie et la France aux ressentiments, ou à la repentance. Il est au sens noble un pont entre les deux rives de la Méditerranée.
Cette arrestation arbitraire, méthode venue d'un autre siècle, nous rappelle ce qu'il en coûte de laisser le champ libre aux intégristes et aux islamistes. À chaque renoncement, un pas supplémentaire est franchi vers l'abîme.
C'est un avertissement : il n'y a pas de paix, ni de tranquillité à attendre des fanatiques et des ennemis de la liberté. Les sous-estimer, pactiser avec eux, les ménager, surtout pour de basses raisons électorales, c'est trahir à la fois la France et la République.
La liberté a un prix. Les reniements et les lâchetés aussi.
On doit à Boualem Sansal, qui confiait qu'il avait parfois l'impression de prêcher dans le désert, un soutien total, massif, indéfectible. Son combat est le nôtre. C'est celui de la liberté contre l'obscurantisme, de la République contre les islamistes.

Le monde des lettres en émoi après l’arrestation de Boualem Sansal
Les écrivains Pierre Assouline, Jean-Christophe Rufin, Philippe Claudel, Paule Constant, ses éditeurs Jean-Marie Laclavetine et Jean-François Colosimo réagissent à l’interpellation de l’écrivain le 16 novembre, à Alger.
Kamel Daoud, Sylvain Tesson, Tahar Ben Jelloun, Boris Cyrulnik ont fait part, déjà, de leur émotion. Et c'est le monde des lettres français dans son ensemble, dans lequel Boualem Sansal compte tant d'amis, tant d'admirateurs, qui attend aujourd'hui anxieusement de ses nouvelles. Tous louent le talent, immense, de l'écrivain. Tous témoignent de son courage inouï et demandent instamment aux pouvoirs publics et à l'opinion de se mobiliser

Boualem Sansal : 2084 : la fin du monde

Ci-après, le résumé de ce roman, d'après WikiPedia.
A titre d'éclairage sur cet abominable enlèvement et pour comprendre quel homme est Boualem Sansal.

L’Abistan, immense empire, tire son nom du prophète Abi, « délégué » de Yölah sur terre. Son système est fondé sur l’amnésie et la soumission au dieu unique. Toute pensée personnelle est bannie, un système de surveillance omniprésent permet de connaître les idées et les actes déviants. Officiellement, le peuple unanime vit dans le bonheur de la foi sans questionnement.  La religion contrôle les individus dans leur vie la plus intime. La pensée est réduite par l'instauration d'une langue unique, l’abilang, limitant la longueur des mots, mais, malgré tout, le personnage principal, Ati, va sentir en lui l'appel de la liberté et chercher à comprendre s'il existe autre chose sur la terre.

L'action se déroule dans cet empire d'Abistan, qui se prétend être toute la terre et au commencement de l'histoire, en 2084, car rien ne pouvait exister avant. Le personnage central, Ati, met en doute les certitudes imposées. Il va découvrir l’existence d’un peuple de renégats, qui vit dans des ghettos, sans le recours de la religion…

Quelques notes, au fil de ma lecture, il y a quelques années :
Yölah est grand et Ati est son Délégué. Ca évoque quoi ?
La vie quotidienne est surveillée par les CJB. Que sont ces CJB?
Les Croyants Justiciers Bénévoles. Un faux air de Talibans. Terrible !

Si ce n'est déjà fait, lisez Boualem Sansal.
2084 est très abordable. A lire après relecture du 1984 d'Orwell. (Tout comme Meursault, contre-enquête de Kamal Daoud est à lire après L'Etranger.)
Son premier livre, Le Serment des barbares, est plus difficile. Très algéro-algérien, il me semble nécessiter des "clés" que le lecteur n'a pas nécessairement.
Lisez Boualem Sansal !