Risque de rage en rando en Asie du Sud-Est

Libération (site web)

dimanche 7 avril 2024 903 mots

Ma pire rando : «Là, au milieu de la jungle en Malaisie, le sang commence à couler à profusion»
Marie-Eve Lacasse

Sur les chemins, il y a le marcheur qui anticipe le moindre pépin et celui qui part la fleur au fusil. Jusqu'au jour où la catastrophe arrive. Dans notre premier épisode, Théo, 32 ans, consultant à Hongkong, se souvient d'une mauvaise rencontre.

Malgré l'expérience, une randonnée, mal préparée, peut virer au cauchemar et parfois au drame. Des randonneurs, néophytes ou chevronnés, racontent à Libé une balade qui a tourné à la catastrophe. Aussi bien en France qu'à l'étranger. Retrouvez aussi nos conseils pour partir bien préparé.

«Je suis un grand passionné de randonnée et ma compagne de l'époque, qui s'appelle Amélie, l'était aussi. Donc quand cette histoire se passe, en janvier 2023, nous ne sommes pas des débutants. Je vis à Hongkong depuis plusieurs années et pour les vacances, nous avions décidé de nous rendre en Malaisie, sur l'île de Penang, réputée pour ses treks, et de grimper une colline appelée Penang Hill. Plutôt que d'attendre le télésiège pendant deux heures, on décide de faire le trajet à pied. Après tout, c'est un chemin de montagne qui ne demande pas un niveau particulier. Au début, tout se passe bien. On ne croise personne, à part, au milieu du trajet, un chien très mignon, poilu comme une peluche, qui nous suit pendant un bon moment. Il faut savoir que mon ex adore les chiens et moi pas du tout. A un moment, ce gentil toutou bifurque, nous regarde et nous attend, comme s'il voulait nous indiquer un autre chemin à suivre, mais nous, on suit Google Maps ! Donc on continue notre route sans nous poser plus de questions.

«Au bout d'une heure et demie, à vingt minutes du sommet, on arrive à un virage en aiguille. Là, je vois un grand panneau, posé à l'entrée d'une friche qui ressemble à un lieu de construction, et où il est écrit en grand, en anglais, "attention au chien". Je regarde vers le site et je vois justement un chien au loin. En l'espace de dix secondes, tout vacille. On entend ce chien aboyer, suivi d'une meute de quatre autres qui courent vers nous à toute vitesse et foncent sur mon ex. Ce sont des chiens errants assez fins et élancés, typiques de l'Asie du Sud-Est, pas très beaux, des chiens de gouttière. En un seul claquement de doigts, l'un d'entre eux attaque Amélie. Elle se fait mordre au mollet, d'un bon coup de crocs. Elle hurle, tombe par terre. Je hurle, je fonce sur elle et sur les chiens et là, comme par magie, ils disparaissent aussitôt. C'était aussi rapide et fulgurant que ça, comme la foudre.

«Là, le sang commence à couler à profusion. Je rappelle qu'on est au milieu d'un chemin de jungle en Malaisie, donc ce n'est pas une situation optimale. Je vois une dame en sari très loin et un travailleur qui vient vers nous mais qui, étrangement, refuse d'appeler les secours. Il ne parlait pas un mot d'anglais, et je me suis demandé si sa réaction n'était pas liée au fait qu'il travaillait là de façon plus ou moins légale. A ce moment, coup de chance, un jeune homme arrive sur son scooter. On savait que tout en haut, il y avait des aménagements touristiques. Donc Amélie monte sur le scooter, elle prend son passeport, son portefeuille, et moi je finis les vingt dernières minutes de trek en courant comme un dératé. Arrivée en haut, elle a été prise en charge par les équipes locales qui l'ont mise sur un fauteuil roulant et l'ont fait passer en priorité sur un téléphérique. Une fois en bas, elle a pu être transportée en ambulance jusqu'à l'hôpital public de Penang. Mais les aventures étaient loin d'être terminées.

«A Penang, j'en profite pour téléphoner à des amis médecins en France qui insistent pour dire que mon ex doit absolument prendre un traitement antirabique. Mais à l'hôpital public, on nous dit que ce n'est pas la peine. Mes amis médecins insistent. En gros, si elle est infectée et que le virus se développe, c'est la mort assurée. Donc le lendemain, on se rend dans un hôpital privé. Chaque injection coûte 150 euros, et il y en a quatre ou cinq à recevoir, sur plusieurs semaines. Le coût du traitement explique peut-être la réponse du premier hôpital, mais on n'en saura jamais plus.

«Etrangement, mon ex n'a jamais voulu interrompre notre voyage, qui a duré dix jours, alors qu'il fallait se rendre tous les jours dans une clinique pour faire nettoyer sa plaie et changer ses pansements. On a fait quand même une déposition à la police locale : là, on a rencontré cinq personnes en civil, des policiers habillés avec des tongs et des shorts, qui fumaient des clopes et regardaient la télé. Ils nous ont orientés vers un inspecteur, mais cette démarche n'a rien donné et on a abandonné l'idée de poursuites. On a aussi écrit au consulat français de Kuala Lumpur en leur expliquant toute la situation, parce qu'on voulait que le site soit sécurisé pour les prochains randonneurs, mais ils nous ont envoyé une réponse très sèche, en nous donnant les contacts de deux avocats...

«Au final, mon ex-compagne s'en est très bien remise et adore toujours autant les chiens et la rando. Moi, si j'avais une approche innocente de la randonnée avant, maintenant, c'est terminé.»

Est ce qu'une telle mésaventure vous est déjà arrivée ?

il faut garder en tête que la rage est bien présente dans toute l'Asie du sud est.

La rage: 59'000 morts par année,  la dengue 5000 décès