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Chemins oubliés de Bolivie

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Message par Lucbertrand Lun 20 Juin 2022 - 11:24

  Je vais vous présenter un parcours d'une piste du bout du monde. Cette expériene remonte à 10 ans déjà, mais je suis sûr que rien n'a changé. 300 kilomètres de pistes décrites dans aucun guide. Quelques rares bus y passent une fois par jour, et dans la dernière partie une fois par semaine.  Le temps y est comme figé, je ne dirais pas cela d'autres endroits comme l'Albanie où j'y ai laissé une partie de mon coeur et des amitiés fortes, en effet le pays change si vite, que d'une année sur l'autre on s'y perdrait.


Ce n'est pas le cas de l'altiplano bolivien. Les superlatifs ne veulent plus rien dire, car on les utilise à tort et à travers et en grand excès. Cependant dans mon souvenir ce voyage je le qualifie de fabuleux.


Certes, le texte est long et on m'a prévenu que dépassées les 7 minutes de lecture, un texte sur internet n'a aucune chance d'être lu. Je verrai bien.                                               


                                              Chemins oubliés de Bolivie


Au cours de notre descente de l’Amérique du Sud, nous voulons passer par les parcs nationaux au nord du Chili et retourner de là en Bolivie, afin de traverser ses deux grands déserts de sel.  Nous nous trouvons à Desaguadero, ville frontière qui se situe à cheval entre le Pérou et la Bolivie au bord du lac Titicaca. La frontière est matérialisée par le pont qui enjambe la seule rivière qui s’écoule du lac.


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Il n'est pas sans remarquer la différence de niveau de vie entre les deux voisins. En effet, côté péruvien, pays de grandes dimensions que nous venons de traverser, le ravitaillement ne pose pas de problème, ce qui n’est pas le cas de l’autre côté, le choix étant beaucoup plus restreint. Heureusement, une fois entrés en Bolivie et les formalités douanières effectuées, nous constatons que le retour au Pérou s’effectue sans problème et sans contrôle, à l’image de la foule importante qui circule sur le pont sans marquer l’arrêt. Nous en profitons pour compléter nos réserves dans la perspective des zones désertiques à traverser. Deux options se présentent à nous, soit la grande route décrite en des termes flatteurs dans les guides qui fait un large détour vers l’est, soit des pistes mystérieuses directes à travers l’altiplano sur lesquelles nous n’avons pas réussi à obtenir la moindre information. Les deux itinéraires se rejoignent au pied du volcan Sajama, magnifique dôme au capuchon de glace qui culmine à plus de 6500 mètres d’altitude.


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Après une interrogation animée qui s’est déroulée sur plusieurs jours, nous optons pour la traversée directe, poussés par le goût de l’aventure et attirés par ce trajet au plus court plein de mystère qui nous fait un clin d’œil. Cette région bolivienne au sud-ouest du lac n’est semble-t-il décrite nulle part. Les questions que j’ai posées sur différents forums sont restées sans réponse. Manifestement, nous partons vers l’inconnu sur trois cents kilomètres de pistes qui nous sont totalement ignorées. Nous découvrirons même en cours de route que l’une de nos cartes est si imprécise, qu’elle situe l’une des villes à la frontière dans le mauvais pays. Forts de toute notre ignorance concernant une contrée sur laquelle nous n’avons aucun témoignage, nous nous préparons à rejoindre le village de Sajama situé au pied du volcan du même nom.  

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Au matin du départ, nous prenons un petit-déjeuner dans une minuscule échoppe. Alors que le soleil commence à réchauffer l’atmosphère nous entamons notre périple. Les dix-huit premiers kilomètres sont un vrai plaisir sur une magnifique route goudronnée, où le trafic est peu intense. Les points de vue sur l’immensité lacustre et sur les grandes montagnes de la cordillère Royale qui la bordent du côté de La Paz sont de toute beauté. Ce matin, comme c’est généralement le cas en Bolivie, l’air est calme et il fait particulièrement doux peu après l’apparition du soleil.  Le trajet débute sous les meilleurs augures, le long d’une eau bleu profond bordée d’herbes au jaune prononcé, contraste du plus bel effet.  Aucune embarcation n’est visible. Au ciel, de gros nuages de type cumulus, rehaussent dans le lointain la scène de leurs bouillonnements cotonneux et entrelacent les hauts sommets enneigés. Ces immensités boliviennes diffèrent complètement de ce que nous avons connu au Pérou. Je m’attendais à une certaine continuité entre les deux pays, eh bien non, nous basculons dans un monde tout autre, et nous ne sommes pas au bout de nos surprises et de notre dépaysement.


Après dix-huit kilomètres de cette route excellente, un panneau indicateur signale la ville de Jesus de Machaca sur la droite. Fini le bel asphalte, un chemin de terre rouge s’écarte du lac Titicaca en serpentant le long d’une côte qui va se perdre au milieu de collines couvertes d’une herbe desséchée par le manque d’eau. Nous prenons de la hauteur et le lac se dévoile toujours plus, une petite mer intérieure de presque deux cents kilomètres de long. Un col peu élevé est atteint, point de basculement des panoramas. Nous quittons définitivement la plus haute étendue lacustre du monde pour nous enfoncer dans un territoire, fraction de l’altiplano, ignoré des guides. 


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Notre piste disparaît à l’infini de ce plateau dont nous ne discernons pas les limites. À première vue aucune habitation ne se révèle. Cette région serait-elle aussi abandonnée des hommes ?  Après une halte au collet à la jonction de deux mondes, nous pénétrons plus avant dans ce nouvel univers qui sera le nôtre durant plusieurs centaines de kilomètres. Et là, de loin en loin sur cette prairie asséchée, aux couleurs vives cependant, les maisons, comme de petits points épars, se laissent découvrir. Construites de terre très sombre, de dimensions réduites, les toits sont couverts de chaume parfois de tôle ondulée, le progrès touche aussi ces lieux. Pratiquement aucun être humain n’est visible, mais on n’éprouve en aucune façon la sensation d’une région définitivement abandonnée. En effet, tout est bien entretenu, nulle impression de ruine. Simplement un coin secret de notre planète, où les rythmes de vie et de temps ne sont pas les mêmes que dans nos sociétés occidentales prises dans le tourbillon de l’agitation.


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Bien que nous soyons en route depuis plus de deux mois, que nous ayons découvert de nombreuses régions au fil de notre route entre l’Équateur et le Pérou, sans conteste ce recoin de Bolivie me procure une émotion d’une force supérieure à tout ce que j’ai éprouvé depuis mon départ de Quito. Ici seule la ligne horizontale domine. Les couleurs du ciel et de la terre sont violentes et douces à la fois, un peu à la manière d’un pastel aux couleurs accentuées. Je n’avais jamais ressenti de telles sensations au contact d’un paysage. On m’avait prévenu que l’Amérique du Sud surprend à la première visite, et un camarade avait ajouté la Bolivie particulièrement. La surprise est bien réelle et je suis sous le charme.


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Sur ces pistes très peu de circulation, un bus ou deux par jour relient des villages perdus aux grands centres urbains comme La Paz. La consistance du terrain nous autorise à rester sur le vélo et à rouler sans trop de difficulté. Parfois en bordure de chemin de petites sentes au sol lisse et dur permettent de se déplacer avec plus de facilité. Je ne me prive pas de les utiliser. Nous traversons un premier village et derrière une enceinte aux vastes dimensions montent les notes d’un orchestre où prédominent les instruments à vent. Tout au long de notre voyage, la musique sera une constante. L’Amérique latine c’est avant tout un continent de musique, où les gens défilent au son du tambour, de la trompette et autres divers instruments. Un chien court mollement à ma rencontre et aboie sans réelle agressivité.   Nous n’aurons plus à subir d’attaques incessantes comme ce fut le cas en Équateur et au Pérou.


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La ville de Jesus de Machaca apparaît dans ce que j’appelle le lointain. En effet, tout au long de notre séjour sur l’altiplano nous aurons du mal à apprécier les distances. Y a-t-il trois, cinq ou dix kilomètres ? Ce sera l’éternelle question durant les semaines à venir. Mais avec l’habitude on optera toujours pour les grands nombres. Le summum sera atteint sur les immenses déserts de sel, là où l’on distingue très bien le relief qui vous fait face, alors qu’il se situe à plus de soixante kilomètres.


Nous approchons de Jesus de Machaca. Ce nom comme beaucoup d’autres dans la région me plaît et sonne avec un accent de mystère, rappel du passé colonial espagnol. Cette bourgade semble jetée à même ce décor semi-désertique. La continuité dans la douceur des couleurs entre la nature environnante et les constructions donne une touche originale à l’ensemble. La limite de l’agglomération est nette, pas de maison qui se détache, toutes restent bien regroupées marquant nettement la délimitation.


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Nous pénétrons dans cette petite ville, tout y semble immobile. Au détour d’une rue, nous débouchons sur la « plazza de armas ». Elle est vaste, presque démesurée par rapport à l’échelle de l’agglomération. Le marché prend fin. Des groupes de personnes dispersés çà et là sont assis. Les Indiens nous regardent arriver sans sembler nous remarquer, ne levant ni la tête ni les yeux dans notre direction. Ils ne sont pas très expansifs et rien ne les surprend. La place est bordée d’une énorme église remontant à l’époque des conquistadors. Imposante de beauté, une enceinte ajourée peinte en blanc en fait le tour. Le clocher à la couleur sombre est rehaussé par un bâtiment peint lui aussi en blanc. Un portique monumental en permet l’accès. Malheureusement, nous ne pourrons pas la visiter. Tout au long de notre périple une multitude d’églises nous accompagnera. Implantées au milieu d’un village ou isolées, certaines sont très grandes, d’autres minuscules, mais toutes portent les traces d’un passé lointain, à une époque où l’Espagne régnait sans partage en ces lieux.

Un petit restaurant nous offre un repas de bonne qualité à un prix dérisoire dans une ambiance très sympathique. La cuisinière indienne concocte ses repas au contact des consommateurs. Elle utilise de grandes gamelles arrondies aux bords montants qu’elle pose sur des feux de bois. Les rations sont consistantes, c’est exactement ce qu’il faut pour des cyclistes au long cours. Comme toujours à la fin du repas le problème du café se pose. Généralement, après une première réponse négative, il arrive comme par mystère. Mais aujourd’hui il ne viendra pas et sera remplacé par un maté, ma foi, fort bon.


Nous reprenons notre route. Deux chemins sortent du village et nous hésitons. C’est alors qu’arrive en courant l’une des femmes qui nous avaient renseignés au cours du repas. Elle nous met dans la bonne direction. Tout l’après-midi nous allons arpenter un espace immense avec un vent favorable, ce qui va rendre cette traversée fabuleusement agréable. Cependant, il faut rester vigilant et ne pas se laisser entraîner par l’euphorie de la vitesse. De temps à autre des petits bancs de sable n’attendent que l’imprudence pour nous jeter à terre. Notre piste disparaît par moments, alors il nous faut partir à l’estime parmi des touffes d’herbe rabougries, mais cela ne dure jamais bien longtemps et il n’y a pas de problème d’orientation. Jean nous fait remarquer, très loin au sud, un volcan couronné de neige. Dans plusieurs jours nous aurons confirmation qu’il s’agit du Sajama qui s’élève à proximité de la frontière chilienne. Il va nous accompagner de la sorte tout au long des trois cents kilomètres de piste jusqu’au village du même nom.


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En fin d’après-midi, le village de Nascara se dévoile. Nous le rejoignons, pensant naïvement que la chaussée va s’améliorer et que le goudron fera son apparition. Effectivement, il y a un peu de béton, mais il s’agit simplement du pont qui franchit la rivière traversant l’agglomération. L’étape de la journée aura été de soixante-six kilomètres. Bien que le vent nous ait été propice depuis midi, la piste ne nous permettra pas de faire des kilométrages très importants, possibles seulement sur goudron.


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Manifestement se loger ici semble problématique. Après avoir posé quelques questions, nous sentons la population prête à nous aider. Les autorités locales sont appelées à la rescousse. Madame le Maire décide de nous faire dormir dans la salle de réunion, vaste pièce traversante qui reçoit le soleil toute la journée et qui à cette heure vespérale restitue une chaleur agréable. Sur la place du village Jean a crevé et nous réparons au milieu d’un large attroupement. Tous voudraient participer aux opérations. Mais cette réparation due probablement à un défaut du pneu ne résoudra pas le problème, et il faudra attendre un jour de plus pour apporter une solution définitive à cette défectuosité. Cependant, au moment de remballer les outils, un gamin en garde un. Repéré à l’instant où il le mettait dans sa poche, c’est tout penaud qu’il nous le rend.


L’édile nous propose de nous apporter notre repas du soir sur place. Pour une somme modique, nous dégustons une truite bien grillée. Nous étions loin d’imaginer un tel confort dans ce coin reculé de la planète. La nuit est excellente, bien à l’abri du froid et des intempéries dans notre salle communale. En effet, comme tous les soirs avec la disparition du soleil, le vent fraîchit et la température devient rapidement négative. Il n'est pas rare que le thermomètre descende jusqu'à moins dix degrés. Cependant chaque soir, quelques heures après l’arrivée de la nuit, tout souffle s’éteint et le calme règne à nouveau dans l’atmosphère de l’altiplano.


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Une fois l’obscurité bien installée le spectacle du ciel est grandiose. L’altitude, l’hygrométrie proche de zéro et l’absence de lumière parasite sont des facteurs qui s’associent pour faire ressortir la voie lactée et la voûte céleste comme en relief. Mais il faut bien du courage pour affronter le froid piquant et le vent déchaîné après une journée sur des pistes qui ont exigé des efforts intenses de longues heures durant.


Le lendemain matin, il gèle à pierre fendre mais le ciel est dégagé et l’air immobile. Nous nous mettons en route à huit heures. Au sortir du bourg, le policier de faction nous met en garde contre les bandits qui sévissent plus loin. Ils viendraient par-delà la frontière, du Pérou proche. Il nous explique qu’ils peuvent prendre des uniformes de policier, et nous décrit par le menu tous les attributs qui doivent être apparents sur une tenue réglementaire. Cela va du nom de la personne au drapeau bolivien apposé sur la manche, en passant par un certain nombre d’insignes et de signes distinctifs. A-t-il fait du zèle ou le danger est-il bien réel ? Nous ne le saurons pas. Mais depuis que je me suis fait dépouiller d’une partie de mes affaires au Pérou alors qu’un policier m’avait mis en garde, j’ai plutôt tendance à prendre ce type d’avertissement au sérieux, sans toutefois sombrer dans une peur incontrôlée.
La piste commence par une côte courte mais raide. La tôle ondulée fait son apparition et donne le ton de la journée. Attendons-nous à une étape difficile sans espérer faire beaucoup de kilomètres. 


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Les espaces sont immenses, et la route les fend de façon rectiligne. De toutes parts de grands troupeaux de lamas et d’alpagas multicolores paissent flegmatiquement parmi des herbes rares et piquantes. Et là-bas au loin les volcans, que nous rejoindrons dans plusieurs jours, nous montrent la direction.  Des vigognes gracieuses et pressées passent d’un pas leste et nous observent avec vigilance lorsque nous essayons de nous approcher pour les photographier. Elles nous accompagneront durant deux semaines. Parfois peu nombreuses ou souvent en bandes assez conséquentes, jusqu’à une vingtaine d’individus, elles se fondent dans le paysage avec leur pelage brun clair, agrémenté de taches blanches. Le mâle se tient toujours un peu à l’écart du groupe de femelles et c’est à ce comportement qu’il se trahit.


Au bout d’une longue ligne droite la bourgade de Santiago de Matchaca se dessine. Bien évidemment, notre estimation de la distance n’est pas la bonne. L’un de mes camarades annonce trois ou quatre kilomètres, pour ma part je dis cinq, en réalité il y en a neuf. Ces étendues sont tellement gigantesques que nous perdons toutes nos références.  Nous l’atteignons enfin, après avoir louvoyé entre piste et bas-côtés, là où le sol est plus consistant donc meilleur pour la progression.


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Dans ce village, comme nous en avons pris l’habitude depuis que nous sommes en Amérique du Sud, nous nous dirigeons vers la place centrale où nous trouvons une épicerie proposant quelques nourritures basiques. Puis le ravitaillement assuré, un restaurant nous tente. Il est extraordinaire de toujours trouver un endroit pour se sustenter dans ces coins perdus. Nous entamons la discussion avec un Bolivien qui connaît bien sa région, ce qui n’est pas toujours le cas chez ses concitoyens. Ce qu’il nous apprend est déterminant pour la suite. En effet, le chemin que nous voulions suivre est particulièrement difficile et très mal tracé. En revanche, information primordiale, la ville de Charaña est bien en Bolivie et non au Chili comme notre carte l’indique. De ce lieu un chemin entièrement situé en Bolivie rejoint Sajama. Il ne nous en fallait pas plus pour envisager cet itinéraire, que nous pensions, à tort du fait de l’erreur de notre carte, à cheval sur les deux pays et sans poste frontière, ce qui nous aurait obligés à rentrer illégalement dans l’état voisin.


Après nous être bien rassasiés nous quittons lentement cet endroit au charme fou. Ces cités posées dans ces immenses plaines ont un air d’ailleurs, et leurs églises surgies du fond des âges accentuent cette impression d’autre part qui nous subjugue tant depuis hier sur ces chemins oubliés des guides.


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Cet après-midi nous allons essayer d’aller le plus loin possible, aucun point d’arrêt repéré.  Nous envisageons de rouler jusqu’à la tombée de la nuit et de bivouaquer. Roulant sur ces pistes depuis le lac Titicaca, même si elles ne sont pas en très bon état et qu’elles demandent beaucoup d’efforts, nous n’avons pas eu à subir de côtes importantes. Mais cela va changer. Après quelques kilomètres dans une vallée à peine marquée, sauvage et déserte, où seuls de temps à autre des troupeaux d’alpagas bariolés apportent une touche de vie, une importante éminence met fin à la platitude du chemin. Nous allons devoir batailler plusieurs heures le long d’une succession d’amples ondulations. Les difficultés nous forcent par épisodes à mettre pied à terre et à pousser nos vélos. Qu’ils semblent lourds et encombrants dans ces moments. Le temps avance vite. Chaque jour je suis stupéfait de voir à quelle vitesse la journée s’enfuit. Pourtant alors que l’on se bat dans la poussière, les cailloux, le sable, le vent, parfois le froid ou la chaleur, le temps devrait nous sembler long. Eh bien non, c’est le contraire qui se passe. Il faut reconnaître que l’effort à vélo est un vrai plaisir, même quand on en bave sur des pistes mal adaptées. Cette sensation de faire corps avec ce qui nous entoure, ce sentiment d’être une fraction de cette nature farouche et qui apparaît avec l’effort et qui se renforce par la durée du voyage, cette certitude d’être à sa place dans ce décor gigantesque où nos semblables s’aventurent rarement et surtout pas à vélo, tout cela fait naître en moi un plaisir violent et sauvage.


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Nous arrivons au sommet d’une côte après une succession de montées et de descentes. Le soleil commence à baisser. L’altitude est de 4200 mètres, le vent est rageur et irrégulier. Il nous faut rapidement trouver un point pour bivouaquer, à ces latitudes la nuit tombe subitement. L’étape du jour aura été de soixante-dix-huit kilomètres, ce qui n’est pas mal au vu de l’état des pistes. Après une première prospection, Jean aimerait que nous établissions notre campement derrière un mur de pierre. Mais Alain et moi trouvons l’endroit trop inconfortable, pas réellement abrité du vent qui souffle avec force. De plus le sol est en pente et couvert de crottes d’alpagas. Chacun de nous deux part prospecter les environs. Pas très loin, dans une barre rocheuse de faible hauteur, je découvre une grotte qui me paraît idéale. J’appelle mes camarades. Il suffit de nettoyer le sol, d’enlever quelques cailloux et nous aurons un lieu de bivouac idéal, à l’abri du froid et du vent. Ces courts travaux de déblaiement sont rapidement effectués et notre matériel de couchage vite installé. Jean préfère monter sa tente dehors. Pour Alain et moi la nuit sera très confortable. L’espace est réduit, il interdit la position debout, mais la surface au sol est nettement suffisante et nous prenons nos aises. Nous commençons à être bien accoutumés à l’altitude, car plus aucune insomnie due au manque d’oxygène ne vient perturber notre sommeil. En ce qui me concerne j’ai besoin d’une très longue période pour me sentir bien en altitude la nuit en position allongée. Cela fait maintenant presque trois mois que nous sillonnons les Andes depuis l’Équateur.


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La nuit a été particulièrement douce dans la grotte. Le bivouac dans ces conditions est très agréable. Notre adaptation au milieu procure un immense plaisir. Bien que nous soyons soumis à la poussière toute la journée je n’éprouve pas le besoin de me laver. La grande sécheresse de l’air évite toute transpiration, d’ailleurs il ne fait jamais très chaud. L’absence d’humidité est un vrai facteur d’hygiène, bien qu’en contrepartie cela demande de boire beaucoup.


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Autour de nous de nombreux lamas et alpagas broutent paisiblement et nous regardent d’un air intrigué du haut de leur cou perché, à la mine dédaigneuse pour les premiers et franchement ahurie pour les seconds. Ces derniers lorsqu’ils ne sont pas tondus ressemblent à de gros animaux en peluche aux formes généreuses.


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Avec une pointe de regret je quitte cet endroit avec sa falaise, sa grotte accueillante et ses prairies peuplées de camélidés. Au moment du départ un berger passe devant nous et nous interroge, tout étonné de nous voir à vélo dans ces contrées reculées. L’étape de la journée commence par une côte de quelques centaines de mètres, puis nous entamons une descente en direction du village de Berenguela. 


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Il s’agit d’une ancienne cité minière abandonnée, située au fond d’un vallon rocailleux sans aucune végétation, à part quelques herbes en touffes éparses. Dans les parois qui dominent le lieu, les gueules béantes des antiques mines remontant à plusieurs siècles, nous rappellent que des hommes ont travaillé dans des conditions extrêmement difficiles. L’arrivée dans le village est très impressionnante. Une lignée de maisons basses aux toits disparus, toutes en ruine et bien alignées sur plusieurs centaines de mètres s’offre à notre regard. La couleur des murs est exactement celle du chemin, difficile à définir, peut-être lie de vin très clair. Et tout là-bas du côté opposé, figée depuis des siècles une église dresse son clocher arrondi. Elle est ceinte d’une murette qui s’ouvre sur un porche en arc de cercle qui invite à entrer.  En m’approchant je retiens presque mon souffle tant le lieu m’impressionne. Le silence est légèrement perturbé par une voix tenue et lointaine d’enfant qui provient de la gauche, quelque part d’une rue adjacente. Mais je ne vois personne. Je m’approche de l’église. On se croirait vraiment dans un film de Sergio Leone. Il ne manque que le pendu sous le porche. Jean et Alain me rejoignent. Avec émotion nous visitons les lieux.


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Deux chemins sont possibles pour repartir. Nous ne sommes pas sûrs de la direction à prendre, notre carte étant très imprécise. C’est alors que je me souviens de la voix de l’enfant. Il y a donc quelqu’un dans ce village. Je pars lentement à vélo à travers des rues désertes en écoutant, à l’affût du moindre murmure. Devant une maison, dans l’entrebâillement d’une haute porte, alors qu’aucun bruit ne m’a alerté je vois deux petites figures superposées qui me regardent avec étonnement et curiosité, cependant sans aucune crainte. De beaux sourires illuminent les visages de ces enfants. Je leur dis bonjour, ils me répondent. Ce qui fait apparaître une troisième petite tête en train de manger une galette de pain. Que la scène est touchante, mais pas question de l’immortaliser sur une photo, les Indiens ayant horreur de cela et y sont très généralement farouchement opposés. Je me suis toujours imposé de strictement respecter la volonté des gens et d’éviter les photos volées. Dans le cas présent, cela casserait à coup sûr le flux d’émotions réciproques qui passe par nos regards.


Un homme apparaît à son tour et vient à ma rencontre. Les enfants approchent, deux garçons et une fille. Cette dernière a alors une réaction tout à fait étonnante. Me prend-elle pour un Martien ou un autre être venant d’un ailleurs lointain ? Avec l’une de ses mains elle me prend la main gauche et de l’autre mesure la longueur de mon bras en développant ses doigts le long de ma manche. Cela me fait sourire et tous rient à leur tour. Imaginez la scène au milieu de ce village désert, moi encore sur mon vélo et cette famille me regardant un peu à la manière d’une apparition. Au coin de la maison surgit alors la mère, qui après avoir répondu à mon bonjour rentre vite dans son logis. Instants à nouveau chargés d’émotion qui ont duré plusieurs minutes, le temps de quelques regards et sourires, mais d’une telle intensité que cela m’a paru s’éterniser.


J’engage la conversation avec l’homme en lui demandant notre chemin. Il lève le doute sur la piste à prendre. Jean arrive. Il nous est proposé de prendre un café, mais nous sentons que c’est par politesse. Le fait que nous rentrions dans la maison serait facteur de gêne pour sa femme, qui ne se montre plus. Nous déclinons donc l’invitation en invoquant notre troisième camarade resté sur la place à proximité de l’église.


La bonne direction une fois prise, nous cheminons dans un décor extraordinaire, vastes horizons et montagnes aux couleurs multiples. La piste est horrible, mais du fait de l’absence de circulation nous ne respirons pas trop de poussière. Un immense chaos de blocs s’étend de part et d’autre de notre chemin. De grands rochers se découpent sur un arrière-plan montagneux.


Nous rejoignons une rivière à proximité de laquelle se trouve un poste de contrôle de la police. Ses occupants sont étonnés de voir des cyclistes dans ces régions isolées. Ils prennent nos identités au cas où nous disparaîtrions, nous assurant que cela est possible dans ces endroits. Au bord du cours d’eau, nous faisons une halte casse-croûte. Il fait très chaud malgré l’altitude. La chaleur en roulant est moins pénible qu’à l’arrêt à vélo. Une fois notre repas frugal terminé, nous reprenons la route. Tout se ligue contre nous, chaleur, piste sableuse et vent contraire. Encore une fois je constate que pédaler dans ces conditions difficiles, de façon paradoxale, procure du plaisir. Malgré l’adversité persister à avancer engendre de la satisfaction. Chacun reste plongé dans ses pensées, arc-bouté, jetant de temps à autre un regard dans ce lointain qui semble ne jamais se rapprocher. Les derniers kilomètres pour arriver à Charaña nécessitent un véritable combat face à un vent violent et un sol qui se dérobe sous nos roues. Là-bas au loin, la ville apparaît, mais à cinq ou six à l’heure, malgré des efforts conséquents, elle refuse de se rapprocher, comme si elle cherchait à nous fuir.


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Enfin nous y sommes. Jean avait pris de l’avance, il nous attend à l’entrée. Que le lieu dégage de la tristesse et de l’hostilité sous ces rafales piquantes et le froid qui s’intensifie. Un couple d’Indiens essaie de s’abriter le long d’un mur en attendant je ne sais quoi. Il est relativement tard et le soleil ne va pas tarder à se coucher. Cette ville est construite de façon géométrique et de larges rues désertes, bordées de maisons basses, se croisent à angle droit. La couleur qui domine est celle de la poussière du chemin qui recouvre tout de sa gangue terne.


Nous trouvons un logement. Les chambres sont spartiates, de petites cellules donnant sur une cour intérieure et assaillies par les coups de boutoir du vent. Les portes laissent apparaître de grands interstices et ne remplissent pas vraiment leur rôle. Une fois de plus je ne me lave pas. En effet, pour se faire, il faudrait avoir le courage d’aller se mouiller dans l’obscurité à un large bidon reposant au milieu de la cour exposée à tous les tourbillons d’air glacial. Mais les lits sont assez confortables et les couvertures efficaces. Bien que la chambre soit traversée de puissants vents coulis, je n’aurai pas froid durant cette nuit pourtant glaciale. Le repas du soir se déroule dans une petite taverne où pas mal de monde se trouve réuni. La nourriture une fois encore est très acceptable et en quantité suffisante pour des cyclistes ayant fourni de gros efforts tout au long de la journée. Ce soir le vin rouge bolivien va couler à flot !


Au matin, il est difficile de sortir du lit, le froid étant vif. Jean se bat avec sa roue à nouveau crevée. Il faut absolument enlever l’imperceptible aspérité métallique à l’intérieur du pneu qui crève la chambre à air. Elle est particulièrement difficile à sentir avec le doigt, il est donc nécessaire de bien la localiser afin de l’arracher. Enfin nous y arrivons et le problème sera définitivement résolu.  Le petit-déjeuner est pris dans la rue auprès d’une Indienne qui vend du café et des gros beignets frits.


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L’étape de ce jour risque d’être longue. Nous avons en effet des informations comme d’habitude contradictoires sur le kilométrage jusqu’au village de Sajama. Il nous faut trouver la piste qui mène dans cette direction. Je pars en reconnaissance en bordure de l’agglomération. La première personne à laquelle je m’adresse me répond en portant son index à sa tempe, sans doute me signifiant qu’à vélo cela n’a pas de sens et que nous sommes des fous. Je ne me décourage pas. La personne suivante est plus disposée à me parler et fournit les renseignements demandés en me montrant de vagues traces qui paraissent s’évanouir dans le désert.


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La journée une fois de plus va nous amener son lot de surprises et de paysages fantastiques. Les grands volcans qui depuis plusieurs jours nous indiquent la direction commencent à prendre de l’ampleur. Il s’agit du Parinacota, du Pomerape et du Sajama. Situé dans une vallée plus loin au second plan, ce dernier reste le plus souvent caché. Le Parinacota est auréolé d’une couronne de neige sur ses pentes terminales. Son altitude est un peu supérieure à 6300 mètres. La piste au début est roulante, puis le sable et la tôle ondulée font leur apparition par secteurs et le calvaire reprend.  Une côte nous conduit sur une butte. Le chemin disparaît, le cheminement s’effectuant à même la roche. Cependant, nous constatons qu’il y a des traces de gomme sur les aspérités, nous sommes donc sans doute sur la route. Nous effectuons une pause pique-nique en plein vent. L’un de mes camarades s’endort. L’attente face à ce courant d’air violent, juste en ce lieu où se produit un effet venturi, n’est pas très agréable. La Bolivie symbolise vraiment le pays du vent. La pause sera cependant de courte durée.


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Le jour avance et les kilomètres s’égrènent difficilement. Mais vers les seize heures, notre piste prend une direction très favorable, un fort vent arrière nous donne l’impression d’être dotés de vélos électriques. La moyenne s’envole, nous roulons aux environs des vingt-cinq à l’heure, cela nous change de nos moyennes à un chiffre. À ce rythme nous effectuons une bonne vingtaine de kilomètres supplémentaires avant la halte imposée par la venue du soir.
Nous atteignons le village de Rio Blanco. Va-t-on y trouver de quoi nous abriter ? Un homme se découpe sur un promontoire, Jean va l’interroger. L’entretien dure me semble-t-il une éternité. Alain et moi en contrebas ne savons ce qu’ils se disent. Jean redescend. Manifestement l’homme n’était pas décidé à nous permettre de dormir dans le coin. Nous longeons le village. Une personne là-bas, nous nous approchons et réitérons notre demande. Et là miracle, notre interlocuteur nous indique un local, et nous y accompagne. Il s’agit d’une pièce vaste, construite dans le cadre d’une coopération avec l’Espagne. Nous n’en demandons pas plus, cela nous évite de monter nos tentes dans la bourrasque, toujours forte en fin d’après-midi. La distance parcourue aura tout de même été de soixante-dix kilomètres, grâce au vent très propice en fin de parcours.


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Nous entamons l’ultime étape qui doit nous conduire à Sajama. Mais avant de quitter le village de Rio Blanco, nous allons visiter son église. C’est un véritable bijou, arrivé tout droit de l’époque coloniale. À côté du corps de bâtiment, le clocher massif est posé à même le sol. Un petit escalier en colimaçon permet d’y monter. Une enceinte ajourée protège l’édifice, cependant une ouverture surmontée d’une arche en autorise le libre accès. Nous restons un long moment devant ce lieu sacré, au milieu de ce village désert. Le silence est total et à part nous trois, tout est figé. Nous   avons du mal à nous arracher à l’endroit face au désert immobile et silencieux. Seul le soleil est en mouvement et son apparition derrière les montagnes s’accompagne de la douce chaleur de ses rayons sur nos visages.


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À la sortie du village nous retrouvons notre piste plus ou moins facile selon les endroits. Le volcan Sajama commence à émerger et sa grande pyramide qui culmine à plus de 6500 mètres va s’imposer toujours plus au fil de notre progression de la journée.  Dans ce matin limpide à l’air immobile, nous marquons de nombreux arrêts pour admirer de petites maisons, certainement pas abandonnées mais désertes. Petites constructions de terre à la couleur du désert qui les entoure, leur toit est fait de chaume, dont la teinte s’harmonise avec les tas de bois érigés en murets. D’ailleurs je me demande d’où vient ce bois en plein désert ? Il a un aspect très torturé et ressemble à de grosses racines.


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Au bord d’une petite rivière Jean constate que l’eau est chaude, une bonne vingtaine de degrés. Dans ce décor de montagne à plus de 4000 mètres cela surprend au premier abord. Mais nous nous situons dans une région où l’activité volcanique est bien réelle. Il en profite pour faire un brin de toilette. Il nous faudra encore batailler plusieurs heures sur une piste recouverte de pierres avant de rejoindre le village de Sajama. Le spectacle de cet immense volcan couvert de glaciers qui nous surplombe et que nous contournons nous hypnotise. Il nous domine de plus de 2000 mètres, et sous le charme tout en étant torturés par un terrain très hostile, nous ne voyons pas le temps passer. Enfin le village est là, minuscule au milieu d’une immense vallée encadrée par trois grands volcans. Le lieu est extraordinaire et le tourisme à cette époque de l’année quasi inexistant.


Nous trouvons un hébergement aux normes occidentales avec douches, toilettes et restauration. Un peu de confort après une dure traversée, cela ne peut être qu’agréable. Il est encore tôt. Je vais en profiter pour partir faire une randonnée à pied, seul. Je monte sur une colline qui culmine à quelques centaines de mètres de dénivelé au-dessus du village. Il s’agit d’un lieu sacré qui permet une vue de premier plan sur la calotte glacière du Sajama. Assis au sommet à contempler ce désert hérissé de hautes cimes volcaniques, je savoure ce moment de solitude, car depuis notre départ de Quito, il y a déjà de nombreuses semaines, nous vivons jours et nuits les uns avec les autres sans aucun moment d’intimité.


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Demain encore quelques kilomètres de piste sablonneuse et nous rejoindrons la route asphaltée qui conduit à Tombo Quemado, dernière bourgade bolivienne à la frontière chilienne. C’est dans cette merveilleuse petite localité de Sajama que se termine notre traversée des pistes oubliées de Bolivie. J’en garderai le souvenir vivace de cinq jours et trois cents kilomètres hors du temps dans un coin perdu ignoré du tourisme.  Cette expérience restera pour moi comme un rêve à la découverte de paysages grandioses et de villages, habités ou abandonnés, sortis du fond du temps et jetés dans des espaces démeusurés, qu’il faut savoir gagner car ils ne se dévoilent pas facilement.


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Message par xeta Lun 20 Juin 2022 - 23:10

Merci Luc pour ce partage. La Bolivie reste un souvenir très amer pour moi mais les paysages y sont exceptionnels et effectivement fabuleux.
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Message par Deborah Mar 21 Juin 2022 - 5:30

Votre petite équipe de 3 valeureux cyclistes a bien du courage dans ce paysage presque lunaire et inhospitalier !

Aux verts paturages succède un paysage désertique, comment se fait il qu'il change ainsi ?
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Message par Lucbertrand Mar 21 Juin 2022 - 7:14

Bonjour Deborah, non il n'y a pas de verts pâturages, peut-être une illusion du fait des buissons pris de loin. Ces végtations sont faites d'épineux très agressifs. Ce qui peut donner aussi l'illusion d'herbe ce sont les mousses. Il y a cependant quelques cours d'eau. 


Les variations de température sont de très grande amplitude, 30 degrés la journée et -10 voire moins la nuit. Une nuit quelques centaines de km plus au sud , dans le sud Lipez on a eu -16. Sous mon matelas gonflable il y avait une pellicule de glace de quelques millimètres dans la tente, due à la condensation de nos corps car en réalité l'hygrométrie est proche de zéro dans ces zones désertiques.


Le matin tes bouteilles d'eau sont des gros glaçons, et pour te faire un thé sans avoir à casser la glace, il faut avoir eu la prévoyance d'avoir mis une bouteille dans ton sac de couchage la veille.



 L'altiplano bolivien fait quasiment partie du désert de l'Atacama, cet immense désert qui s'étend  en fait sur quatre pays, Pérou, Chili, Bolivie et Argentine. Cependant la zone la plus aride se trouve sur le côté chilien face au Pacifique.


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Message par ponor Mar 21 Juin 2022 - 8:26

Quelle aventure et quel courage! Un récit très intéressant.
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Message par mjp Mar 21 Juin 2022 - 22:41

Eh bien, je me suis régalé en lisant ce récit: j'y ai retrouvé le bonheur de l'effort partagé et les fabuleux paysages de la région du Sajama (que j'avais parcourue paresseusement en voiture).
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Message par Jmlustrat Mer 22 Juin 2022 - 11:13

Merci. Intéressant. Je la ferai sans doute quand je serai en Bolivie mais avec mon camping-car 4x4.

Bravo pour le voyage et le compte-rendu.

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Message par Choohiboocayoo Mer 10 Aoû 2022 - 21:10

Bonjour,
Le Parc National de Sajama a été en ce qui me concerne une grande claque.
Les émotions ont peut-être été d'autant plus fortes que, comme vous, j'y étais seul.

C'est le genre d'endroit dont on hésite à faire la promotion, car (mais c'est pas bien) cela fait partie des grands coups de cœur qu'on a envie de garder juste pour soi.

Je vous mets ici quelques photos et aussi le lien qui cible l'article dans lequel je décrivais ce lieu magique.


Sajama juste pour moi


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Message par Deborah Mer 10 Aoû 2022 - 21:38

géniales, les photos Smile

Mais pourquoi les habitants semblent ils absents de tous ces villages ? pourquoi il n'y a personne dans les rues ? se cachent ils ? mais pourquoi ?
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Message par Lucbertrand Jeu 11 Aoû 2022 - 0:40

Effectivement, la plupart de ces tout petits villages sont déserts mais pas abandonnés. Comme je l'ai écrit il y a des cadenas aux portes. Les quelques habitants qui y vivent sont-ils partis travailler un peu plus loin, ou sont-ils à garder les animaux dans ce décor gigantesque?


Le climat y est terriblement hostile, entre 4000 et 5000 m d'altitude. Sur toutes les photos il manque un élément, le  onvent. Il se lève vers les 9 heure du matin et monte crescendo jusqu'après un peu la tombée de la nuit. Donc, si on n'a pas un travail à faire on ne reste pas dehors, ce qui rajoute à la désolation.



Ce sont des endroits très étranges. Le plus étonnant c'est que des hommes soient venus s'établir dans ces coins qui certes sont grandioses quand on les traverse à vélo sur des centaines de kilomètres, mais pour la vie de tous les jours ils ressemblent à l'enfer sur Terre.


Après le fait de parler de ces coins, ce n'est pas ce qui fera venir du monde ou si peu. Ce qui fait venir du monde, ce sont les organismes, qu'ils soient du pays ou de l'étranger, qui décident de mettre des infrastructures à l'occidentale, même sommaires.  Tant que l'on doit sortir dans la nuit poser sa crotte par des températures très basses bousculé par des vents rageurs et que la notion de douche bien souvent il faut l'oublier et se coucher tout poussiéreux, les clients ne se bousculent pas. Les agences n'amènent pas de clients dans ces coins pas du tout aménagés.


Je l'avais aussi constaté dans le désert de Gobi, on ne voyait des occidentaux que dans les coins prévus pour les héberger le soir dans des conditions décentes, alors que dans bien des villages les hôtels étaient de vrais cloaques. Donc nous étions aussi là restés deux semaines sans voir un étranger, sur une distance de 1000 kilomètres. Malgré les conditions hostiles nous préférions souvent aller planter notre tente plus loin.


Même dans des pays qui semblent submergés par le tourisme, le vélo permet de s'enfoncer dans des coins boudés du tourisme. Je me souviens à Luang Prabang au Laos, j'envisageais de partir plein ouest par une piste montagneuse de plus de cent kilomètres après avoir traversé le Mékong. Je demande quand même dans une agence de trek si cette piste existe bien. On me répond oui, mais attention vous n'y trouverez pas de nourriture pour occidentaux. Tout était dit. Effectivement passer de Luang Prabang et ses bons restaurants à la forêt vierge de l'autre côté du Mékong on change radiclement de style, on fait un bond dans le temps. Et sur notre piste du bout du monde nous n'y avons croisé que deux motards occidentaux en plusieurs jours. J'ai oublié deux mots clé que je prononçais pas si mal car ils comprenaient toujours, manger soupe.
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Message par brunopath Dim 6 Nov 2022 - 16:30

bravo et merci pour ce reportage
ps, puisque tu as fait des photos, tu pouvais également installer un gps sur ton smartphone qui te permettait de voir la bonne piste... style ozi ou osmand
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Message par Titoualsace Sam 27 Mai 2023 - 18:19

Bonjour Lucbertrand, heureux de te retrouver sur ce forum !

J'avais suivi, en d'autres temps et autre forum, tes périgrinations Argentines et chiliennes, c'était
un bonheur. Je suis toujours admiratif et fan de ta prose.

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Message par Lucbertrand Sam 27 Mai 2023 - 19:22

Bonsoir Bernard, merci 

Mais le temps passe et malheureusement (ou heureusement) il  faut aussi penser aux membres de sa famille pas toujours en bonne forme, et  pourtant les bambées du bout du monde me manquent, en particulier une traversée complète du désert de Gobi par les pistes, mais c'est trois mois, mini. Pourtant j'ai quelques gus et nanas très sauvages prêts au départ. Mais le maire au moment du mariage te dit "pour le meilleur et le pire" et tu ne dis pas non, sniff.

Mais tu n'habites pas très loin, viens passer un petit moment dans les Vosges, on pourra discuter, nostalgie, nostalgie. On a la place pour loger confortablement.

Cordialement.
Luc
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Message par Titoualsace Sam 27 Mai 2023 - 20:01

Oui le temps passe, je crois me souvenir que nous avons quasiment le même âge. En matière

de voyage on ne voudrait jamais s'arrêter, je crois que serais capable de continuer même avec des
béquilles... enfin pas sûr ! J'ai entamé un carnet sur mon périple bolivien fin 2022, en voiture,
je n'ai pas ton courage.

Merci pour ta proposition, si je me décide je te contacterais par message privé.

Bon vent à toi, Bernard.
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