Vous avez dit Kazakhstan ? Je dis : Baïkonour
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Vous avez dit Kazakhstan ? Je dis : Baïkonour
.
Bonjour
J'ai eu la chance au cours de ma "vie active" (comme si elle était passive quand on devient retraité !), de faire des séjours fréquents dans ce pays peu connu, qui faisait partie de l'URSS avant son démantèlement et qui est désormais "intégré" dans la CEI, Communauté des Etats Indépendants.
De même que j'ai travaillé à Kourou en Guyane française pour la fusée Ariane, là il s'agissait de la fusée russe Soyouz, lanceuse de satellites (et d'équipages) dont il fallait assurer également la sécurité des installations au sol. En particulier les "salles blanches" : les 3 immenses salles situées non loin des "pas de tir" de la fusée reliées à elles par une voie ferrée.
D'abord la salle de préparation du ou des satellite(s) dite PPF, puis la salle de remplissage des satellites dite HPF, enfin la salle de mise en place de la coiffe contenant les satellites dite UCIF.
Ma responsabilité consistait :
- à surveiller H24 la qualité de l'air des 3 salles au niveau de l'hygrométrie, de la température et de la propreté particulaire
- à vérifier qu'aucun intrus ne puisse s'introduire ici où là pour espionner ou saboter un lancement
- à assurer l'alimentation permanente des salles au point de vue énergie
- à veiller à la sécurité au sens large, notamment les risques d'incendie avec les moyens de détection et d'extinction éventuels.
Missions passionnantes démarrées en juin 1998 et passées en relais à mon remplaçant en janvier 2000.
Hélas, vu le contexte géopolitique de l'époque, il nous était totalement impossible à mes collègues et à moi de nous promener à notre guise dans le pays en fonction de nos jours de liberté : week-ends ou congés. Baïkonour et ses pas de tirs étaient et sont toujours des territoires russes enclavés dans un pays dont les habitants ont le physique asiatique (très bruns, yeux bridés) et parlent le kazakh (et le russe). Il nous fallait des visas russes pour chacun de nos séjours avec une escale systématique à Moscou et changement d'avion.
Ce qui fait que je ne connais strictement rien de ce pays dont je n'ai pu voir que des reportages sur la vie dans la steppe, dans le désert, sous yourtes, dans les montagnes. Je ne suis jamais allé dans la capitale. La sortie de la ville est contrôlée par un poste-frontière, et on roule une quarantaine de kilomètres en bus sur une route kazakhe pour rejoindre les bâtiments techniques et les pas de tir à nouveau sur territoire russe.
Cette route est droite, plate, monotone, traverse une portion de désert où le point culminent doit mesurer 1m50, les poteaux téléphoniques en bois ont tous une base de béton de 3 mètres de haut (pensez à l'hiver et ses rigueurs extrêmes...).
On y voit parfois des chameaux, en hiver ils ont des poils longs de 50 cm, on en fait des manteaux peu chers (mais odorants !).
Au printemps, durant un temps très court, fleurissent partout des tulipes naines sauvages, cela ne dure que quelques jours et c'est superbe et surprenant.
Parlons du climat : nous avons subi des différentiels de températures énormes dans des intervalles très courts. Jugez-en : fin août +48°C, mi-novembre -32°C, soit 80° d'écart en 2 mois 1/2... Il faut s'y faire !
La population : nous n'avons hélas encore, guère eu l'occasion de fréquenter les "locaux" de Baïkonour (ville également appelée Leninsk).
D'abord parce qu'ils ne sont en rien partie prenante du programme spatial russe. J'en ai vu très très peu sur les installations, ou alors en qualité de simples manoeuvres, jamais des techniciens. Et en ville, on pouvait bien remarquer une séparation très nette par rapport aux Russes de la ville. Aucun mélange, lieux fréquentés différents, zéro couples mixtes.
Donc frustration à ce niveau, comme le regret de ne jamais avoir eu l'autorisation de sortir de la ville, alors que le village autochtone de Tiouratam se trouve juste à proximité de Baïkonour qui est en fait clôturée entièrement avec uniquement ce poste-frontière dont je parlais plus haut, et une autre sortie réservée aux voyageurs venant ou se rendant à l'aéroport tout proche, à l'opposé de la cité.
La ville de Baïkonour est tristounette, aucune "datcha" (ou alors il faut vraiment bien chercher, même celle de Gagarine est difficile à repérer), rien que des barres d'immeubles, la ville est quadrillée en quartiers tous presque identiques, des immeubles sans ascenseurs de 3, 4 ou 5 étages. Une énorme chaufferie à gaz en plein milieu qui distribue les chauffage à tous les bâtiments par des énormes tuyaux extérieurs calorifugés et qu'il faut enjamber quand on est à pied ou passer dessous quand on est en véhicule. Aucune canalisation n'est enterrée car, vu les froids intenses de l'hiver, en cas de souci technique, les dépannages seraient une galère terrible. Tout cela donne un aspect très particulier à cet ensemble monotone.
Heureusement il y a le grand marché ("balchoï rinok") pour se distraire en fin de semaine (et le petit marché en semaine, le "malinki rinok") et aussi, au bord de la Syr Daria, le fleuve qui longe la ville, des jeux d'enfants avec une grande roue, lieu animé.
Je tenterai aussi de déposer ici quelques photos pour illustrer ma logorrhée à condition que ces clichés soient dans le bon sens...
Ce qui n'est pas gagné.
Merci pour votre lecture.
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Bonjour
J'ai eu la chance au cours de ma "vie active" (comme si elle était passive quand on devient retraité !), de faire des séjours fréquents dans ce pays peu connu, qui faisait partie de l'URSS avant son démantèlement et qui est désormais "intégré" dans la CEI, Communauté des Etats Indépendants.
De même que j'ai travaillé à Kourou en Guyane française pour la fusée Ariane, là il s'agissait de la fusée russe Soyouz, lanceuse de satellites (et d'équipages) dont il fallait assurer également la sécurité des installations au sol. En particulier les "salles blanches" : les 3 immenses salles situées non loin des "pas de tir" de la fusée reliées à elles par une voie ferrée.
D'abord la salle de préparation du ou des satellite(s) dite PPF, puis la salle de remplissage des satellites dite HPF, enfin la salle de mise en place de la coiffe contenant les satellites dite UCIF.
Ma responsabilité consistait :
- à surveiller H24 la qualité de l'air des 3 salles au niveau de l'hygrométrie, de la température et de la propreté particulaire
- à vérifier qu'aucun intrus ne puisse s'introduire ici où là pour espionner ou saboter un lancement
- à assurer l'alimentation permanente des salles au point de vue énergie
- à veiller à la sécurité au sens large, notamment les risques d'incendie avec les moyens de détection et d'extinction éventuels.
Missions passionnantes démarrées en juin 1998 et passées en relais à mon remplaçant en janvier 2000.
Hélas, vu le contexte géopolitique de l'époque, il nous était totalement impossible à mes collègues et à moi de nous promener à notre guise dans le pays en fonction de nos jours de liberté : week-ends ou congés. Baïkonour et ses pas de tirs étaient et sont toujours des territoires russes enclavés dans un pays dont les habitants ont le physique asiatique (très bruns, yeux bridés) et parlent le kazakh (et le russe). Il nous fallait des visas russes pour chacun de nos séjours avec une escale systématique à Moscou et changement d'avion.
Ce qui fait que je ne connais strictement rien de ce pays dont je n'ai pu voir que des reportages sur la vie dans la steppe, dans le désert, sous yourtes, dans les montagnes. Je ne suis jamais allé dans la capitale. La sortie de la ville est contrôlée par un poste-frontière, et on roule une quarantaine de kilomètres en bus sur une route kazakhe pour rejoindre les bâtiments techniques et les pas de tir à nouveau sur territoire russe.
Cette route est droite, plate, monotone, traverse une portion de désert où le point culminent doit mesurer 1m50, les poteaux téléphoniques en bois ont tous une base de béton de 3 mètres de haut (pensez à l'hiver et ses rigueurs extrêmes...).
On y voit parfois des chameaux, en hiver ils ont des poils longs de 50 cm, on en fait des manteaux peu chers (mais odorants !).
Au printemps, durant un temps très court, fleurissent partout des tulipes naines sauvages, cela ne dure que quelques jours et c'est superbe et surprenant.
Parlons du climat : nous avons subi des différentiels de températures énormes dans des intervalles très courts. Jugez-en : fin août +48°C, mi-novembre -32°C, soit 80° d'écart en 2 mois 1/2... Il faut s'y faire !
La population : nous n'avons hélas encore, guère eu l'occasion de fréquenter les "locaux" de Baïkonour (ville également appelée Leninsk).
D'abord parce qu'ils ne sont en rien partie prenante du programme spatial russe. J'en ai vu très très peu sur les installations, ou alors en qualité de simples manoeuvres, jamais des techniciens. Et en ville, on pouvait bien remarquer une séparation très nette par rapport aux Russes de la ville. Aucun mélange, lieux fréquentés différents, zéro couples mixtes.
Donc frustration à ce niveau, comme le regret de ne jamais avoir eu l'autorisation de sortir de la ville, alors que le village autochtone de Tiouratam se trouve juste à proximité de Baïkonour qui est en fait clôturée entièrement avec uniquement ce poste-frontière dont je parlais plus haut, et une autre sortie réservée aux voyageurs venant ou se rendant à l'aéroport tout proche, à l'opposé de la cité.
La ville de Baïkonour est tristounette, aucune "datcha" (ou alors il faut vraiment bien chercher, même celle de Gagarine est difficile à repérer), rien que des barres d'immeubles, la ville est quadrillée en quartiers tous presque identiques, des immeubles sans ascenseurs de 3, 4 ou 5 étages. Une énorme chaufferie à gaz en plein milieu qui distribue les chauffage à tous les bâtiments par des énormes tuyaux extérieurs calorifugés et qu'il faut enjamber quand on est à pied ou passer dessous quand on est en véhicule. Aucune canalisation n'est enterrée car, vu les froids intenses de l'hiver, en cas de souci technique, les dépannages seraient une galère terrible. Tout cela donne un aspect très particulier à cet ensemble monotone.
Heureusement il y a le grand marché ("balchoï rinok") pour se distraire en fin de semaine (et le petit marché en semaine, le "malinki rinok") et aussi, au bord de la Syr Daria, le fleuve qui longe la ville, des jeux d'enfants avec une grande roue, lieu animé.
Je tenterai aussi de déposer ici quelques photos pour illustrer ma logorrhée à condition que ces clichés soient dans le bon sens...
Ce qui n'est pas gagné.
Merci pour votre lecture.
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Dernière édition par Milhusa le Jeu 21 Juil 2022 - 23:40, édité 1 fois
Deborah apprécie ce message
Deborah apprécie ce message
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Re: Vous avez dit Kazakhstan ? Je dis : Baïkonour
Bonjour,
j'ai eu l'occasion et le privilège de pouvoir "visiter" la ville de Baïkonour...encadré par le chef de la police, mais surtout avec une visite privée du musée de l'espace.
J'ai fait une petite vidéo de cette visite ...
Par contre je connais assez bien le désert kazakh ...ll n'y a pas vraiment beaucoup de yourtes ...
j'ai eu l'occasion et le privilège de pouvoir "visiter" la ville de Baïkonour...encadré par le chef de la police, mais surtout avec une visite privée du musée de l'espace.
J'ai fait une petite vidéo de cette visite ...
Par contre je connais assez bien le désert kazakh ...ll n'y a pas vraiment beaucoup de yourtes ...
Heliot100- responsable de rubrique
- Messages : 628
Date d'inscription : 29/12/2021
Re: Vous avez dit Kazakhstan ? Je dis : Baïkonour
Incroyable, ces souvenirs sur un lieu mythique et symbole de la puissance soviétique.
Y avait il beaucoup d'étrangers là bas ? c'est presque étonnant de faire venir un citoyen français pour y travailler, puisque le lieu était tellement secret et protégé...
Y avait il beaucoup d'étrangers là bas ? c'est presque étonnant de faire venir un citoyen français pour y travailler, puisque le lieu était tellement secret et protégé...
Re: Vous avez dit Kazakhstan ? Je dis : Baïkonour
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""Y avait il beaucoup d'étrangers là bas ? c'est presque étonnant de faire venir un citoyen français pour y travailler, puisque le lieu était tellement secret et protégé...""
Non, non, rien d'étonnant.
Ma société était sous-traitante d'une autre grosses boite française qui avait signé un contrat avec les Russes pour bien d'autres prestations.
Il s'agissait pour ce contrat-là d'assurer la sécurité globale du dispositif permettant d'envoyer tous les satellites de la constellation GLOBAL STAR, satellites de conception et fabrication américaine !
Donc nous avions aussi avec nous des ingénieurs et techniciens américains, eh oui.
Vous savez, dans l'ISS qui nous tourne autour, les nationalités sont toujours bien mélangées et ça se passe bien.
Pour preuve, après Baïkonour, la coopération avec les Russes s'est super bien passée puisque les Soyouz partent maintenant, aussi, depuis Kourou en Guyane où on a construit un nouveau pas de tir spécialement pour eux.
Donc pour répondre à la question de Déborah, oui, pas mal d'Etrangers à Baïkonour, en missions ponctuelles, mais tous logés dans le même hôtel construit par la boite française pour laquelle nous travaillions. Mais peu de mélanges là aussi avec la population locale.
Il faut avouer qu'au tout début, en 98, nos premiers séjours se faisaient sous haute surveillance de soldats russes qui étaient chargés de nous escorter partout où nous allions en ville : marché, magasins, restaurants, boites de nuit... Puis la confiance s'est installée et ils nous ont lâchés, on avait juste les interprètes pour ceux qui en voulaient.
Nos contrats étaient exclusivement destinés à nos personnes en tant que techniciens, il était impossible, impensable, de venir en famille, comme nous l'avons fait à Kourou où nous avons vécu 3 ans 1/2 d'affilée. Les raisons : pas d'infrastructures scolaires pour des enfants étrangers, pas de logements prévus pour des familles entières, et des conditions climatiques assez effroyables qu'il est difficile de supporter si on n'est pas natif.
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""Y avait il beaucoup d'étrangers là bas ? c'est presque étonnant de faire venir un citoyen français pour y travailler, puisque le lieu était tellement secret et protégé...""
Non, non, rien d'étonnant.
Ma société était sous-traitante d'une autre grosses boite française qui avait signé un contrat avec les Russes pour bien d'autres prestations.
Il s'agissait pour ce contrat-là d'assurer la sécurité globale du dispositif permettant d'envoyer tous les satellites de la constellation GLOBAL STAR, satellites de conception et fabrication américaine !
Donc nous avions aussi avec nous des ingénieurs et techniciens américains, eh oui.
Vous savez, dans l'ISS qui nous tourne autour, les nationalités sont toujours bien mélangées et ça se passe bien.
Pour preuve, après Baïkonour, la coopération avec les Russes s'est super bien passée puisque les Soyouz partent maintenant, aussi, depuis Kourou en Guyane où on a construit un nouveau pas de tir spécialement pour eux.
Donc pour répondre à la question de Déborah, oui, pas mal d'Etrangers à Baïkonour, en missions ponctuelles, mais tous logés dans le même hôtel construit par la boite française pour laquelle nous travaillions. Mais peu de mélanges là aussi avec la population locale.
Il faut avouer qu'au tout début, en 98, nos premiers séjours se faisaient sous haute surveillance de soldats russes qui étaient chargés de nous escorter partout où nous allions en ville : marché, magasins, restaurants, boites de nuit... Puis la confiance s'est installée et ils nous ont lâchés, on avait juste les interprètes pour ceux qui en voulaient.
Nos contrats étaient exclusivement destinés à nos personnes en tant que techniciens, il était impossible, impensable, de venir en famille, comme nous l'avons fait à Kourou où nous avons vécu 3 ans 1/2 d'affilée. Les raisons : pas d'infrastructures scolaires pour des enfants étrangers, pas de logements prévus pour des familles entières, et des conditions climatiques assez effroyables qu'il est difficile de supporter si on n'est pas natif.
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Dernière édition par Milhusa le Ven 22 Juil 2022 - 12:29, édité 1 fois
Re: Vous avez dit Kazakhstan ? Je dis : Baïkonour
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""J'ai fait une petite vidéo de cette visite""
Merci Heliot100 pour cette chouette vidéo qui donne une bonne idée des lieux.
Je n'ai en effet pas eu l'occasion de voir de yourtes dans la courte partie faite en bus chaque matin et chaque soir.
De toute façon, ce coin-là ne semble pas très propice aux cultures ni à l'élevage, même si on y voit des chameaux et des chèvres.
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""J'ai fait une petite vidéo de cette visite""
Merci Heliot100 pour cette chouette vidéo qui donne une bonne idée des lieux.
Je n'ai en effet pas eu l'occasion de voir de yourtes dans la courte partie faite en bus chaque matin et chaque soir.
De toute façon, ce coin-là ne semble pas très propice aux cultures ni à l'élevage, même si on y voit des chameaux et des chèvres.
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