Orléans Remiremont à vélo mai 2024
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Orléans Remiremont à vélo mai 2024
Pourquoi un tel parcours à vélo ? Une conjonction de hasards. Tout d’abord, un retour du festival du voyage à vélo au Mans en février qui s’est révélé être une source de frustration du fait du mauvais temps, d’autant plus éprouvant en hiver. Mais cette tentative avortée m’avait permis de découvrir le dernier fleuve sauvage de France et, l’envie d’y revenir me tourmentait depuis.
Les raisons de mon attirance sont plus profondes et plus anciennes. Mon attrait pour les rivières et les fleuves est dû en partie à ma généalogie ainsi qu’à mes lectures. Le Rhône qui a bercé mon enfance a été le lieu de prédilection de magnifiques séances de pêche avec mes frères. Des écrivains, comme Henri Bosco dans Malicroix et ses descriptions de nature brutale ou Bernard Clavel dans Pirates du Rhône qui décrit au temps passé les relations tendues entre policiers ou gardes pêche et braconniers, ont fait de moi un amoureux des eaux de cet indomptable venu du fond des Alpes suisses que malheureusement la technique a assagi. Je suis d’autant plus sensible à ce fleuve que mes ancêtres y vivaient sur une île au niveau de Montélimar et que l’une de mes aïeuls a été emportée par une crue responsable du chavirement de sa barque.
Ayant vécu 10 ans à Toulouse, la Garonne m’a passionné grâce aux trois livres de Noël Mamère racontant la vie sur le fleuve il y a deux siècles, Gens de Garonne déclinés en trois tomes, les forçats de la mer, la malédiction des justes et le combat des humbles. Il y décrit avec érudition les hommes et la faune aquatique. Bien d’autres ouvrages d’auteurs comme Christian Signol qui, dans Rivière espérance, nous parle de la Dordogne et de ses gabares ainsi que de la vie au XIX siècle. Et je m’en voudrais d’oublier les grands maîtres de la pêche à la mouche américains, parfois écrivains talentueux, tel John D.Voelker ou John Gierach, qui m’ont également enthousiasmé. Ils décrivent avec passion et précision les rivières de leurs exploits. Tous ces récits ont exacerbé ma passion des eaux douces.
Sur la Loire je ne sais rien, je n’ai rien lu, on ne m’a presque rien raconté, d’où ma curiosité à vif. Cet état d’ignorance aiguise mon envie d’aller constater par moi-même ce que représente ce dernier fleuve sauvage de France, déclencheur de ce voyage.
Voilà pourquoi je me retrouve le mercredi 15 mai à 12h26 à Orléans, prêt au départ. Je ne tais pas les deux heures de correspondance à Paris, espace de temps qui m’a permis une belle visite à vélo dans la capitale, en particulier le long des quais de Seine et autour de la cathédrale Notre Dame qui a presque retrouvé son intégrité, juste encore quelques mois de patience.
Depuis la gare d’Orléans l’accès aux rives de Loire est rapide par le cœur de ville. Ma première photo est consacrée à Jeanne d’Arc. Le fleuve s’impose dans toute sa puissance générée par les intempéries qui durent depuis des mois. Il a des allures asiatiques ou sud-américaines. Des eaux sombres, chargées d’alluvions, encerclent une multitude d’îles de toutes tailles de leurs tourbillons lourds de menace pour l’homme qui tomberait dans ces flots tumultueux. Un cours d’eau trouve sa majesté dans la rapidité de son débit et la largeur de son lit. Ce dernier, environ 400 mètres, dégage une impression d’immensité car de nombreux arbres le colonisent à foison, donnant parfois comme une sensation de mangrove. A ce spectacle l’imagination vagabonde et dérive au gré du courant à la recherche d’animaux fantastiques et de pirates.
Les mariniers se méfient de ses colères, je ne verrai aucun bateau naviguant, par contre nombreux sont ceux amarrés en zones calmes. Une « Lorelei ligérienne », érigée en mémoire des marins engloutis par le fleuve, rappelle que la navigation dans ces parages expose à de réels dangers et requiert une bonne maîtrise.
Mon voyage se déroule durant les 100 premiers kilomètres le long de la Loire. Parfois une piste cyclable bien aménagée, parfois des chemins de terre de différentes tailles, larges ou exigus, sentes au milieu de hautes herbes qui fouettent les mollets et même les genoux. En tant que Vosgien je crains les tiques et la dangereuse maladie de Lyme. Mon appréhension est d’autant plus forte que je suis sous antibiotiques pour 15 jours car, quelques jours avant mon départ, une rougeur inquiétante sur la cuisse droite laissa supposer une inoculation de la terrible affection.
Ces 2 jours et demi à contempler des eaux turbulentes et sombres me conduisent à Cosne-Cours-sur-Loire. De là, une longue étape de presque cent kilomètres mène à Avallon par collines et louvoiements entre les orages. La France n’est pas plate. Mon compteur affichera plus de 1000 mètres de dénivelé. Ayant échappé au pire, seule en finale une bourrasque pluvieuse me surprend au cours des 15 derniers kilomètres. Mes vêtements de pluie bien adaptés me permettent de la traverser presque avec le plaisir présomptueux de dominer les éléments. Ma seule inquiétude, je circule sur une route importante et les voitures ne ralentissent pas sous la pluie. Heureusement, mes habits et mon casque éclatants ainsi que ma puissante lumière rouge (queue de rat) me signalisent dans cette atmosphère floue et obscure. Je n’oublie pas que dans 30% des accidents entre un vélo et une voiture, l’automobiliste n’avait pas vu le cycliste. Comble de malchance, mon rétroviseur s’est brisé en début de parcours et je déteste ne pas voir ce qui m’arrive dans le dos, surtout par visibilité réduite. Mais tout se termine bien. En toute fin, j’ai même le privilège de traverser cette sous-préfecture de l’Yonne sous un faible rayon de soleil.
Ces longues chevauchées à vélo par temps incertain, voire hostile, sont l’une des motivations de ce moyen de voyager. Surveiller le ciel en espérant passer entre les gouttes au fil des kilomètres et constater qu’inexorablement on se dirige vers une large zone sombre qui ne laissera aucune chance d’échapper à la rincée, exacerbe l’envie du défi aux éléments. Le voyageur à vélo doit être un peu masochiste. Pierre Herant, randonneur au long cours à pied ou à vélo résume admirablement les bienfaits de la confrontation dans la durée aux éléments : « Ne pouvoir m’évader en montagne m’a privé de ma dose hebdomadaire de prana, cette énergie presque palpable issue du vent, des rochers, des torrents et des arbres qui permet à ceux qui y sont sensibles de mieux résister au rythme de la vie urbaine et professionnelle. »
Cette remontée vers les Vosges, certes un peu « zigzagueuse », me conduit à la découverte de lieux célèbres. Le village de Sancerre posé sur une colline en retrait de quelques encâblures de la Loire. Ce détour permet un dernier adieu au fleuve sauvage. La visite de son château procure une belle surprise, surtout lorsque du sommet de sa haute tour le regard embrasse le vignoble à 360 degrés et plonge sur les méandres du fleuve majestueux qui se dévoile d’un horizon à l’autre. Quelques étapes plus tard, l’abbaye de Fontenay, fondée en 1119, mérite le crochet. Si vous avez la chance d’avoir une guide férue d’histoire alors le ravissement est total. Que l’on soit croyant ou non, l’histoire de ces moines cisterciens suscite l’admiration devant une telle abnégation face au mystère de la foi. Sous la conduite de Saint-Bernard, une poignée d’hommes se sont pliés à une règle de conduite extrêmement exigeante.
Le plus clair du temps, mon itinéraire emprunte de petites routes de campagne, où la circulation est faible, voire inexistante. Bénéficiant des précipitations abondantes de ces derniers mois, la végétation est luxuriante. Les prés et les forêts arborent leur parure vert intense. Les conditions météorologiques instables de cette deuxième quinzaine de mai engendrent une luminosité qui souligne les différences de tons de la palette de couleurs du paysage. Les nuages aux formes bourgeonnantes de cumulus, marqué d’ombre et de lumière, ponctuent le ciel et participent à la magnificence des territoires traversés. Qu’il est bon, lorsqu’un petit coup de fringale saisit le cycliste, de s’asseoir en bordure d’un ruisseau au débit alerte ou d’une piste humectée de l’averse récente. Là, se laisser enivrer par les senteurs ambiantes et caresser par la brise douce, tout en mangeant quelque nourriture calorique. S’abandonner au plaisir de vivre. Toutes les caractéristiques du bonheur vrai et simple de se sentir parcelle de cette nature que trop souvent on ne voit plus, lancé à pleine vitesse en voiture. L’esprit vagabonde tout au plaisir de ressentir une saine fatigue irradier le corps. On est en pleine cyclo-thérapie.
Nombreux sont les cours d’eaux sur le trajet, rivières comme la Seine ou l’Aube, ou encore les canaux tel celui de la Brenne ou du Rhin au Rhône. J’ai longé ce dernier sur une quarantaine de kilomètres jusqu’à Bains-les-Bains, petite ville thermale assoupie, qui annonce le massif des Vosges. Une courte dernière étape de 32 kilomètres sous une pluie battante apporte un terme à une belle expérience qui laissera des souvenirs d’efforts et de découvertes de ce pays aux beautés nombreuses, le mien, la France.
Orléans
Premières impressions de la Loire à la sortie d'Orléans
Sur la route de Jeanne d'Arc, elle fut blessée lors de la prise de ce village
Embarcation à l'abri du courant
Va-t-il pleuvoir?
Piste en bordure de fleuve
Gien
Mon fidèle compagnon de voyage
Très impressionnante centrale nucléaire
Un petit air de très loin
Sancerre vue de la tour du château
Le vignoble
Rencontre de voyageurs au très long cours
Abbaye de Fontenay, sa luminosité surprend, due à un système d'ouverture sous les vitraux
La nuit tombe sur le canal de la Brenne
La France profonde
Rencontre
halte dans un bourg désert
Canal du Rhin au Rhône
dernière courte étape sous la pluie, de Bains-les-Bains à Remiremont
Lucbertrand- responsable de rubrique
- Messages : 559
Date d'inscription : 07/12/2021
Deborah et Moushika apprécient ce message
Re: Orléans Remiremont à vélo mai 2024
Bonjour Luc ,
Et merci pour ce récit . J'admire toujours ces gens qui font de longs trajets sur leur vélo
Avec une belle citation sur le pont
" En devenant miroir du ciel sans cesse changeant , les plans d'eau impliquent la liberté . Rien de plus éphémère que ces reflets " .
Et merci pour ce récit . J'admire toujours ces gens qui font de longs trajets sur leur vélo
Avec une belle citation sur le pont
" En devenant miroir du ciel sans cesse changeant , les plans d'eau impliquent la liberté . Rien de plus éphémère que ces reflets " .
Moushika- responsable de rubrique
- Messages : 1050
Date d'inscription : 08/12/2021
Re: Orléans Remiremont à vélo mai 2024
Bonjour Moushika, merci, mais 500 km ce n'est pas un long voyage à vélo. D'ailleurs la distance ne veut pas dire grand chose. Le voyage à vélo permet de s'inscrire dans un autre temps. De plus, la capacité du corps à s'adapter est énorme. Il faut avoir envie, et on sait très vite que le corps va ressentir un immense plaisir. Il est très important de ne pas passer la ligne rouge, ne pas tomber dans la fatigue, surtout s'hydrater. Un coup de barre, on s'arrête une heure, voire plus. J'ai constaté que plus on s'arrête plus on gagne du temps.
Faire attention de ne pas partir trop lourd. J'avais choisi l'option hôtel donc léger. Les habits techniques permettent de ne rien laver durant une semaine. Mais option bivouac, on est à peine plus lourd, tente 1,2 kg, matelas gonflable 250 g, sac de couchage 600 g, le matériel de chauffe tout compris (gaz, réchaud, gamelle, couverts) 400 g.
On voit des voyageurs à vélo hyperchargés avec 4 sacoches en France, je ne critique pas, chacun fait comme il le sent, mais c'est beaucoup plus fatiguant. Maintenant en France, à part pistes de montagne très mal pavées du style le Parpaillon, je roule avec un vélo carbone de route sur lequel je mets des pneus adaptés aux chemins. Je garde mes chars d'assaut pour aller traverser les grands déserts à l'autre bout du monde.
J'avais acheté ce vélo carbone, que j'ai utilisé en mai, pour essayer de faire Les Vosges Lyon en aller retour ( environs 800 km) en 4 jours au lieu de 8 avec mes chars d'assaut. Le premier jour 230 km et j'aurais pu faire plus, je m'étais arrêté car j'avais trouvé un coin très sympa pour bivouaquer sur le bord d'une petite rivière, superbe, toute la nuit j'avais entendu les poissons faire des gros plouf.
Pour ce voyage du mois de mai, Orléans à Remiremont, j'étais parti sans entraînement, mes dernières séances remontaient à février dans ma tentative de rentrer du Mans vers les Vosges, tentative avortée après 4 jours sous la pluie d'hiver, on a beau être en période de réchauffement, j'ai eu froid. J'ai arrêté après 4 jours, les conditions à venir ne s'amélioraient pas. L'hiver, le cycliste sur route est encore plus vulnérable, la luminosité est moindre, le jour se lève tard et la nuit arrive vite, avec la pluie en plus on se sent en insécurité dans une pénombre quasi permanente.
Dans une reprise comme cela, ne pas faire de pronostic. Premier jour 30 km, balade dans Paris comprise. Deuxième et troisième jour 50km. Très vite j'ai senti que tout allait bien, quatrième étape 93 km en 4h30 ou 5h. Les étapes suivantes entre 60 et 75, sauf la dernière 32 km. Cela m'a permis de m'arrêter pour visiter de beaux endroits.
Le village sur le canal du Rhin au Rhône, affichait de belles citations. Elles étaient nombreuses, outre celle d'Orsenna , en voilà quelques-unes de plus:
Faire attention de ne pas partir trop lourd. J'avais choisi l'option hôtel donc léger. Les habits techniques permettent de ne rien laver durant une semaine. Mais option bivouac, on est à peine plus lourd, tente 1,2 kg, matelas gonflable 250 g, sac de couchage 600 g, le matériel de chauffe tout compris (gaz, réchaud, gamelle, couverts) 400 g.
On voit des voyageurs à vélo hyperchargés avec 4 sacoches en France, je ne critique pas, chacun fait comme il le sent, mais c'est beaucoup plus fatiguant. Maintenant en France, à part pistes de montagne très mal pavées du style le Parpaillon, je roule avec un vélo carbone de route sur lequel je mets des pneus adaptés aux chemins. Je garde mes chars d'assaut pour aller traverser les grands déserts à l'autre bout du monde.
J'avais acheté ce vélo carbone, que j'ai utilisé en mai, pour essayer de faire Les Vosges Lyon en aller retour ( environs 800 km) en 4 jours au lieu de 8 avec mes chars d'assaut. Le premier jour 230 km et j'aurais pu faire plus, je m'étais arrêté car j'avais trouvé un coin très sympa pour bivouaquer sur le bord d'une petite rivière, superbe, toute la nuit j'avais entendu les poissons faire des gros plouf.
Pour ce voyage du mois de mai, Orléans à Remiremont, j'étais parti sans entraînement, mes dernières séances remontaient à février dans ma tentative de rentrer du Mans vers les Vosges, tentative avortée après 4 jours sous la pluie d'hiver, on a beau être en période de réchauffement, j'ai eu froid. J'ai arrêté après 4 jours, les conditions à venir ne s'amélioraient pas. L'hiver, le cycliste sur route est encore plus vulnérable, la luminosité est moindre, le jour se lève tard et la nuit arrive vite, avec la pluie en plus on se sent en insécurité dans une pénombre quasi permanente.
Dans une reprise comme cela, ne pas faire de pronostic. Premier jour 30 km, balade dans Paris comprise. Deuxième et troisième jour 50km. Très vite j'ai senti que tout allait bien, quatrième étape 93 km en 4h30 ou 5h. Les étapes suivantes entre 60 et 75, sauf la dernière 32 km. Cela m'a permis de m'arrêter pour visiter de beaux endroits.
Le village sur le canal du Rhin au Rhône, affichait de belles citations. Elles étaient nombreuses, outre celle d'Orsenna , en voilà quelques-unes de plus:
Lucbertrand- responsable de rubrique
- Messages : 559
Date d'inscription : 07/12/2021
Moushika et oziandro apprécient ce message
Re: Orléans Remiremont à vélo mai 2024
Merci pour ce beau récit @LucBertrand, tu écris vraiment bien et j'ai beaucoup aimé ce que tu as dit sur les fleuves, et la Loire, "dernier fleuve sauvage de France"
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