Un petit voyage à vélo dans les Ardennes et autres départements du Grand Est
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Un petit voyage à vélo dans les Ardennes et autres départements du Grand Est
Les contraintes de la vie font parfois que l’on ne prend plus le temps de partir loin et longtemps. Alors, il faut se ‘’contenter’’ de voyages proches et de courte durée. Ainsi, je suis allé prendre le train à 25 km de chez moi à Remiremont en direction de Charleville-Mézières. De là, mon vélo m’a conduit jusqu’à Givet à la frontière belge. Puis je suis rentré dans les Vosges par Sedan, Verdun, Commercy, Neufchâteau, Bains-les Bains et Remiremont. Un tour de 500 km à un rythme tranquille, de l’ordre d’une moyenne de 50 km par jour.
Eh bien, une fois encore je suis tout surpris du dépaysement vécu, alors que mon cousin m’avait dit d’un air étonné et quelque peu dédaigneux « mais qu’est-ce que tu vas faire dans la Meuse ? ».
Certes, je suis passé dans la Meuse, département désigné par le numéro minéralogique 55, mais j’ai aussi longé le fleuve la Meuse, dans sa partie ardennaise, au charme certain. J’y ai trouvé un petit air d’Allemagne. Cela m’a rappelé la descente du Danube. Pourquoi cette impression germanique, probablement les paysages austères à la roche sombre, les terres de bois et de champs qui s’étirent le long d’un cours d’eau balisé de falaises aux formes parfois acérées.
Sur la piste cyclable de Charleville à Givet, peut-être l’appréhension de m’ennuyer, j’avais mis sur ma sacoche de guidon un répertoire de poésies allemandes, ce qui me plongeait plus encore dans cet esprit allemand, avec en toile de fond la Lorelei, mais dans ce cas il est question du Rhin : Was soll es bedeuten dass ich so traurig bin….
Je sais que ce n’est pas très prudent, mais cela permet de faire travailler l’esprit et la vigilance à un rythme rapide, lire, mémoriser, réciter, regarder la piste et jouir du paysage en même temps. Comme une impression de vivre vite par le cerveau en se laissant aller tranquillement à la cadence des roues et de la brise calme le long du fleuve paisible. Le voyage serein loin d’une frénésie certaine de voyages où vite vite il est impératif de voir un maximum de sites renommés dans un minimum de temps.
Juste avant de me décider à relater mes sensations sur ce petit voyage (mais y-a-il des petits voyages, 1000km en avion c’est court comparativement à 1km dans la face ouest des Drus, de la relativité des choses), je viens de lire un magnifique article sur le premier numéro spécial de la revue 200, exclusivement consacré au voyage. Le titre ‘’l’odeur du monde’’. La rédactrice, dans un texte concis, égrène les multiples raisons de partir à vélo, et cela dans une langue et un style qui affichent toutes les caractéristiques de la belle littérature :
Voyager sur son vélo, c’est faire sienne l’odeur du monde
…poser les mains sur un guidon, c’est se délecter du sentiment d’être vivant. Et parfois même, d’être invincible.
Eprouver, à la fin de la journée, le corps fourbu, le corps vidé et l’émerveillement de l’avoir utilisé à bon escient, de lui avoir redonné vie, de lui avoir redonné sens, de lui avoir rendu son souffle.
Et heureux de trois fois rien, et se dire que c’est encore trop.
Ne surtout rien rédiger à l’avance, jamais plus qu’un brouillon, du provisoire sur l’impermanence.
C’est souffler sur des promesses de confort et de sûreté, comprendre qu’elles sont le centre de rien.
Voilà, ce ne sont que quelques extraits d’un article, mais toute la revue est de cette teneur, magnifique philosophie du partir. Les aspirations minimalistes sont excellentes pour la bonne conscience, et aussi pour le porte-monnaie. En effet, les prix en ont pris un sacré coup dans tous les domaines depuis quelques temps.
Bien que l’été calendaire ne fût pas encore là en ce début juin, la canicule précoce augurait de mois à venir pénibles.
Charleville-Mézières présente une place centrale de toute beauté, vaste, aux bâtiments imposants, même si certains nécessiteraient une restauration. La sortie de la ville à vélo est assez labyrinthique. A la réflexion, je ne saurais dire exactement par où je suis passé, à virevolter autour de différents bras d’eau. A plusieurs reprises je suis tombé sur un Hollandais qui comme moi tournait à la recherche de la piste cyclable en direction du nord. Une femme, nous voyant hésiter, en riant nous dit « j’en vois beaucoup qui comme vous ne la trouvent pas, la sortie de la ville». Il me faut reconnaître qu’il y a un petit côté incongru à se perdre en longeant un fleuve, mais c’est plus fréquent qu’on ne le pense, expérience vécue le long du Danube, du Niémen ou du Mékong.
Une fois libéré de la nasse de Charleville, tranquillement la piste sans surprise conduit à Givet. De courtes étapes laissent le temps au temps. Cette première partie du voyage se déroule dans une zone touristique. Les vélos sont nombreux On y croise quelques voyageurs au long cours mais, les cyclistes à la journée sur des vélos de course circulent en bandes parfois compactes. Le vélo électrique est de plus en plus présent.
Les points de vue sur le fleuve et les hauteurs environnantes sont très diversifiés, falaises, eau verte, villages aux maisons certes un peu austères, forêts. Une végétation, que je qualifierais de luxuriante en cette fin de printemps, explose de toutes parts en gerbes de couleurs. Jusqu’à présent le nord de la France n’a pas souffert du manque d’eau, pourvu que cela continue.
Quelques lieux caractéristiques ont éveillé ma curiosité jusqu’à Givet, entre autres la centrale nucléaire de Chooz et la citadelle de Givet. Lorsqu’on passe au pied des immenses cheminées de réfrigération, on prend conscience du gigantisme de ces installations. La puissance de cette implantation nucléaire est importante. Je ne peux m’empêcher de me demander combien d’éoliennes sont nécessaires pour délivrer la même quantité d’énergie. Dilemme, prendre le risque de l’atome ou préférer le ravage de la nature et des paysages par un envahissement de grandes hélices accompagnées de leur cortège de nuisances, de failles et de destruction de la faune aviaire. Des deux côtés nous avons des inconditionnels irréconciliables, mais le choix reste difficile.
La forteresse de Givet ou fort de Charlemont, perchée sur sa falaise est imposante. Son histoire depuis Charles Quint jusqu’à la deuxième guerre mondiale s’avère particulièrement dense. Actuellement, elle est le siège d’un centre d’entraînement commando très utilisé par l’armée française.
Cette première partie fut en quelque sorte la partie vacances, aucun dénivelé et des étapes courtes. La suite du parcours se corsa quelque peu. L’étape au départ de Givet en direction de Sedan va me conduire au cœur des Ardennes belges par une succession de montées et, dès 10 heures du matin baignant dans une touffeur bien dans le ton du réchauffement climatique. Cependant, j’ai eu l’intuition de parcourir un chemin sur une quinzaine de kilomètres en forêt, les arbres ayant la vertu de faire tomber la température. Je comptais sur google maps pour me recaler en cas de perte d’itinéraire. Mais voilà, dans cette forêt loin de tout, pas de G4, donc pas de carte. Me trouvant en Europe, je n’avais pas pris la précaution de charger les sections de cartes correspondantes sur Maps.ME. Et voilà comment l’aventure peut nous rattraper en Belgique. Mais la chance m’a souri. Après avoir cherché une dizaine de minutes la piste disparue, apparurent deux randonneurs qui venaient de là où je voulais aller. Gentiment, ils m’accompagnèrent sur 500 mètres à travers fourrés et me remirent dans la bonne direction. De toute évidence, un petit piège se cachait en pleine forêt.
Sur la fin de cette étape et sur la suivante, les deux guerres mondiales vont être très présentes. Au départ de Sedan, voulant éviter la route, je vais me retrouver dans des zones de marais à faire des tours et des détours entre des clôtures, mais c’est aussi cela le voyage à vélo, coins sauvages loin de tout.
Après Saint Miehel, une route déserte conduit à la tranchée de la soif, haut lieu de la guerre de tranchées. On peut lire l’acte d’héroïsme du commandant d’André et de ses hommes sur ce lien https://verdun-meuse.fr/index.php?qs=fr/lieux-et-visites/le-monument-de-la-tranchee-de-la-soif
Pour ceux que ça intéresse une superbe biographie de Céline vient de sortir: Céline de François Gibault. Céline reste un sujet inépuisable
En quittant ce lieu de mémoire, une piste descendant la côte conduit au village de Marbotte. Tout au long des croix symbolisent les régiments engagés durant la guerre en ce lieu. Cela me rappela la Khyber Pass entre le Pakistan et l’Afghanistan. Un monument en mémoire de chaque régiment britannique exterminé en refluant d’Afghanistan et ils furent nombreux. D’ailleurs, il y a une série de livres intéressants relatant cette période du milieu du XIX siècle, Flashman et ses différentes tribulations, déclinées en plusieurs livres de George Mac Donald Fraser. Tous ces récits sont menés sur un ton particulièrement humoristique bien british. Dans l’une de ses aventures, Flashman repasse seul la frontière vers le Pakistan, étant l’unique survivant de son régiment. Je ne suis pas certain qu’il y ait une traduction française.
L’église de Marbotte a servi d’hôpital, on pourrait presque dire de mouroir. Tout au long de la guerre, les blessés y étaient descendus et beaucoup sont morts sur place. En souvenir de ces temps tragiques, les vitraux retracent les souffrances des poilus qui ont combattu et qui sont tombés au champ d’honneur au-dessus du village.
Puis j’ai repris mon chemin à travers la campagne du Grand-Est par Commercy, Neufchâteau et Bains-les-Bains. Cette dernière ville, station balnéaire au charme suranné, en ce début juin est encore déserte. Quelques curistes se promènent sous la chaleur écrasante de début d’après-midi. Le thermalisme de cette région a été mis en valeur par Napoléon III, grand souverain, injustement malmené. Certes, il a pris le pouvoir par un coup d’état et son règne s’est terminé dans la débâcle face aux Prussiens en 1870. De plus, Victor Hugo fut son ennemi acharné et a utilisé son génie d’écrivain à le brocarder. Il n’en reste pas moins qu’il fut un grand organisateur de nombreuses villes en France, de Saint-Jean-de-Luz en passant par Paris.
La dernière étape de Bains-les-Bains à chez moi dans les Vosges me donna l’occasion de bien me perdre et de demander mon chemin à de nombreuses personnes, de la Parisienne qui me fit un point GPS, qui ne me fut d’aucune utilité, au vieux paysan qui, à plus de 75 ans, continue à porter ses lourds seaux d’aliment pour ses moutons et ses vaches. Petit détour dans la France profonde.
Dix jours de liberté qui m’ont donné l’impression d’être très loin. Tout est dans l’impression, l’émotion et le plaisir surgissent lorsqu’on se laisse guider par l’odeur du monde.
Dernière édition par Lucbertrand le Mer 12 Juil 2023 - 13:25, édité 1 fois
Lucbertrand- responsable de rubrique
- Messages : 529
Date d'inscription : 07/12/2021
Deborah et Aliocha apprécient ce message
Re: Un petit voyage à vélo dans les Ardennes et autres départements du Grand Est
Merci pour ce récit Luc
Voilà qui montre bien que l'évasion est à portée de roue ou de pas pourvu qu'on prenne le temps de regarder autour de soi sans aller au bout du monde
Voilà qui montre bien que l'évasion est à portée de roue ou de pas pourvu qu'on prenne le temps de regarder autour de soi sans aller au bout du monde
Re: Un petit voyage à vélo dans les Ardennes et autres départements du Grand Est
Sympa ce voyage et, comme toujours, raconté avec le talent qu'on te connaît
dolma- Messages : 287
Date d'inscription : 08/02/2022
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